Deux jeunes majeurs sont présentés en comparution immédiate devant le tribunal judiciaire d’Évry-Courcouronnes pour une tentative de cambriolage. Tous les deux ont nié les faits jusqu’au verdict.
Monsieur K. et Monsieur D., dégaine encore adolescente, sont présentés dans le box. Tous deux comparaissent devant la 10e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire d’Évry pour une tentative de vol dans un local d’habitation avec circonstance aggravante. La procureure prend la parole pour préciser que dans le cas de Monsieur D., il a déjà été condamné en août dernier pour vol et demande à ce titre à retenir la récidive. La juge se tourne vers le prévenu :
– « Vous avez été condamné à quoi ?
– À dix mois avec sursis.
– Ah, c’est pour ça que vous étiez interdit de séjour à Saint-Yon, je comprends mieux ! »
La veille à Athis-Mons, Madame E. a entendu des bruits à la porte de son domicile. À force d’entendre tambouriner, elle a fini par descendre et a aperçu en ouvrant la porte deux individus qui ont pris la fuite et découvert des marques de tournevis sur sa porte. La police est appelée, des agents finissent par interpeller deux individus qui sont emmenés en garde-à-vue. La victime les a reconnus sur planche photographique. Toutefois, les deux ont commencé par nier leur présence devant le domicile de Madame E., et affirment que le tournevis trouvé en leur possession allait leur servir à réparer leur scooter. Leur version a-t-elle changé depuis ? Deux « non » successifs retentissent dans le box.
« Vous avez 18 ans, comment vous voyez votre avenir ? »
Dans le cas de Monsieur D., il y a encore une autre condamnation, en mars dernier, à quatre mois avec sursis.
– « Vous respectez le suivi ?
– Non, on m’a même pas donné de convocation ! »
La juge s’étonne qu’il ne soit toujours pas pris en charge par le Service pénitentiaire d’insertion et de probation. Elle lit l’enquête sociale, parcourt la situation familiale du prévenu, s’étonne qu’il puisse être logé à Sens dans l’Yonne, là où sa mère posséderait une résidence. Deuxième couac, Monsieur D. proteste : « La dame de l’enquête sociale, elle s’est trompée. J’ai pas dit que j’habite à Sens ! Elle a dû mal comprendre. » Il est en formation de maçonnerie et bénéficie d’un contrat d’engagement jeune. « Un sursis probatoire, un sursis simple, vous n’êtes plus accessible au sursis », commente la juge, comme pour le préparer à ne pas pouvoir échapper à un retour en détention.
De son côté, Monsieur K. a une mention à son casier judiciaire pour détention de stupéfiants. La juge remarque que le juge pour enfants avait alors prononcé une déclaration de réussite éducative, signe qu’il avait redoublé d’efforts pour remplir ses obligations pendant la période de mise à l’épreuve éducative. Il vit actuellement chez sa mère.
– « Et votre père ?
– Je connais pas mon père.
– Il ne s’est jamais occupé de vous ?
– Non.
– Vous ne savez rien ? Votre mère ne vous a rien dit ? »
L’étrange insistance de la juge laisse planer un moment de flottement. Elle veut comprendre pourquoi Monsieur K. est en contact avec ses demi-frères si, comme il l’affirme, il n’est pas en contact avec son père. Il s’agit en fait d’une autre incompréhension de la part de l’enquêtrice sociale.
La juge se montre intraitable : « Vous avez 18 ans, comment vous voyez votre avenir ? Vous avez dit que votre but c’est de devenir riche. Vous ne voudriez pas plutôt être compétent, avoir un métier intéressant ? » Face à cette question en forme de piège, Monsieur K. hésite, cherche à répondre ce qui pourrait le tirer de ce mauvais pas : « Je suis en train de chercher. »
« Donc vous demandez la relaxe ? »
La procureure dénonce ce « fléau contemporain » qu’est le cambriolage, un « viol de l’intimité » et un vol d’objets de valeur « avant tout sentimentale ». Elle salue l’intervention rapide de la police qui a permis d’interpeller les deux individus aux abords du domicile. « Tous les deux portaient des gants en latex, des traces de pesée et de semelle ont été repérées sur la porte. Monsieur D. avait sur lui un tournevis. » Elle requiert pour Monsieur K. une peine de dix mois d’emprisonnement aménageables, et pour Monsieur D., une peine de dix mois avec la révocation de son sursis probatoire à hauteur de cinq mois avec incarcération immédiate.
Au tour de la défense : « Les choses semblent évidentes et aller de soi », constate l’avocat qui regrette les conditions de représentation des deux prévenus. « La justice doit se rendre dans des conditions équitables, ce n’est pas le cas aujourd’hui. » De nombreux incidents ont en effet été rapportés. Il en vient au fait, rappelant que la victime n’aurait vu les deux hommes s’enfuir que de dos : « Comment a-t-il été possible de les identifier ? » Pour lui, la culpabilité des deux jeunes hommes a été établie bien trop rapidement. « Je n’ai pas lu d’éléments sur leur tenue vestimentaire, sur leur coupe de cheveux. » Un récit cohérent pour tous les deux, pas de preuves vidéos de leur présence ou de bornage de leurs portables, autant d’éléments qui ne permettent pas d’aller en voie de condamnation selon lui.
– « Donc vous demandez la relaxe ? », s’impatiente la juge.
Visiblement fatigué, l’avocat commence à faiblir et s’enferre dans une trop longue conclusion sur la place des femmes à la fonction de juge. La juge esquisse un sourire face à la tentative de flatterie. L’avocat finit enfin par demander la relaxe.
Monsieur K. est le seul à prendre la parole à l’issue des plaidoiries. Il tient à signaler que des gants en latex ont été évoqués pendant l’audience.
– « C’était des gants contre le froid, tient-il à rectifier.
– En quelle matière ?
-… en coton.
– Merci Monsieur, c’est noté. »
Au délibéré, tous les deux sont déclarés coupables. Monsieur D. est condamné à cinq mois avec révocation de son sursis probatoire à hauteur de cinq mois, avec mandat de dépôt. Monsieur K., lui, est condamné à huit mois assortis du sursis. En comprenant qu’il part pour Fleury-Mérogis, Monsieur D. montre un geste d’agacement.