Synthèse
Le CESE a été saisi par la chambre des représentants en date du 13 novembre 2023 aux fins d’élaborer un avis sur la problématique du mariage des mineurs et son impact sur la situation socio-économique des filles. Cette saisine intervient dans le contexte de la mise en place, sur Haute Instruction de Sa Majesté le Roi, de la commission chargée de la réforme du Code de la famille. Il a été adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Générale du Conseil, tenue le 21 décembre 2023.
La pratique du mariage des enfants, touchant en très grande partie les filles, continue de sévir dans notre pays en dépit des efforts déployés pour lutter contre ce phénomène social délétère.
La révision en 2004 de la « moudawana », qui avait fixé à 18 ans l’âge légal du mariage, n’a malheureusement pas permis d’éradiquer cette pratique, en raison de dispositions « dérogatoires » envisagées pour des cas isolés, mais qui ont finalement pris le pas sur la règle générale, comme en témoigne, le nombre de mariages d’enfants enregistré en 2022 qui a avoisiné 12 940 actes. Il est à souligner que l’ampleur du phénomène est d’autant plus préoccupante que les statistiques officielles susmentionnées ne prennent pas en compte, les mariages « non-officiels », à l’instar des mariages par la « fatiha ».
Le phénomène du mariage des enfants porte préjudice, de manière significative, à la situation socio-économique des filles (femmes en devenir), et par là-même, grève le développement économique et social global de notre pays. Il hypothèque l’avenir des jeunes filles en les excluant du système éducatif et de formation et en les privant, de fait, des opportunités de participation économique. De surcroît, il induit une fécondité plus élevée qui favorise l’ancrage dans la pauvreté et expose la santé physique et mentale des jeunes filles mariées et celle de leurs enfants à des risques majeurs.
Partant de ce diagnostic, le CESE réaffirme sa position formulée antérieurement dans son avis intitulé « que faire, face à la persistance du mariage d’enfants au Maroc ? », publié en 2019, en appelant, dans l’intérêt supérieur de l’enfant et du développement socio-économique du Royaume, à une accélération du processus visant à mettre fin à la pratique du mariage d’enfants et ce, à travers l’adoption d’une stratégie globale qui reposerait sur 3 axes :
Le premier axe cible « la pleine harmonisation du cadre juridique avec la Constitution et les conventions internationalesratifiées par le Royaume», notamment à travers l’abrogation des articles 20, 21 et 22 qui ouvrent la possibilité de déroger à la règle de la majorité matrimoniale (18 ans) , ainsi que par l’introduction d’une disposition dans le Code de la famille consacrée à « l’intérêt supérieur de l’enfant », définissant ce principe et précisant les modalités de son application.
Le deuxième axe poursuit la finalité de « lutter contre les pratiques préjudiciables aux enfants en déployant de manière soutenue et intégrée diverses politiques et actions publiques à l’échelle nationale et territoriale», notamment en accélérant la mise en œuvre du 2ème programme de la politique intégrée de protection de l’enfance (PIPE) et la mise en place d’une politique familiale intégrée qui prend en compte nécessairement les dimensions d’éducation à la parentalité et de sensibilisation des familles aux pratiques préjudiciables aux enfants.
Le troisième axe vise « la mise en place d’un système d’information pour assurer le suivi et l’évaluation des progrès réalisés en matière d’éradication de la pratique du mariage d’enfants». Ce système serait alimenté par une batterie d’indicateurs en ligne avec les droits de l’enfant et les objectifs de développement durable, et de données renseignant notamment, sur les éventuels cas de mariages informels d’enfants, de divorces dans les couples impliquant des mineurs, de mineures mariées abandonnées et de violences conjugales et familiales à l’égard des épouses mineures. Parallèlement, il conviendrait d’élaborer un rapport annuel rendant compte de la situation des mariages d’enfants et de l’état d’avancement de l’action publique en la matière, à soumettre aux commissions compétentes au Parlement (commissions spécialisées) par l’autorité gouvernementale en charge de l’enfance