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Quand les poissons d’avril conduisent les salariés au tribunal

     

Si vous avez fait des plaisanteries à vos collègues pour le 1er avril, j’espère que vous avez jeté un œil à la jurisprudence en la matière avant…



Raphaël Costa

Doctorant en droit de l’espace
Enseignant à l’Université Paris-Saclay - Fondateur du site Curiosités Juridiques.



Quand les poissons d’avril conduisent les salariés au tribunal
Le poisson d’avril de « l’aide-soignante »
L’affaire la plus marquante en matière de poisson d’avril au travail est l’œuvre d’une certaine Jeanine G., née en 1947 et embauchée en 1990 en qualité d’aide-soignante nocturne (non-diplômée) dans une maison de retraite. On ne sait pratiquement rien de Jeanine si ce n’est que le 3 avril 2000, l’équipe de jour de l’établissement où elle travaille informe la direction du poisson d’avril choquant de la salariée. Quinze jours plus tard, Jeanine reçoit sa lettre de licenciement :

« En date du 1er avril 2000, vous vous êtes rendue coupable de maltraitance à personne âgée souffrant d’une altération de ses facultés mentales rendant aléatoire l’expression de sa volonté en la personne de M. F. En effet, avec votre collègue, vous vous êtes permis de prendre M. F. à son réveil, le vêtir d’une robe de femme lui mettre un foulard sur la tête et un masque avec des plumes sur le visage. Vous avez ensuite conduit ce monsieur au milieu du hall principal de l’établissement et l’avez exposé au vu de tous les visiteurs, intervenants, familles et autres membres du personnel. Vous avez quitté votre service en le laissant sur place sans vous soucier de ce qu’il adviendrait de ce monsieur après votre départ. Cet agissement est constitutif d’un manque total de respect de la dignité humaine […] d’autant que ce jour-là, M. F. fêtait son anniversaire et que sa famille pouvait venir à n’importe quel moment. Compte tenu de la gravité de vos agissements, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, le licenciement prend donc effet immédiatement. »

Il n’en fallait pas plus à Jeanine pour saisir le conseil de prud’hommes de Toulouse afin de faire requalifier son licenciement pour faute grave en renvoi sans cause réelle et sérieuse, et ainsi obtenir une série d’indemnités. Malgré un rapport détaillé des faits reprochés signé par l’intégralité des autres salariés, attestant des faits, ledit Conseil[1] lui donna raison ! Et ce fut la cour d’appel de Toulouse[2] qui, sur demande de l’employeur, mit définitivement fin à la blague (avec cependant une chute inattendue), deux ans après les faits :

« En réalité, les deux salariées, après avoir accompli leur plaisanterie, […] ont laissé en l’état M. F. sans plus s’en occuper ;

Attendu que ce comportement témoigne un manque de considération, une absence de respect vis-à-vis d’une personne vulnérable incapable d’exprimer sa volonté ; qu’elles ont traité M. F. comme un objet destiné à servir leur projet sans prendre en considération sa situation de personne vulnérable ;

Attendu que le comportement de Jeanine G., qui n’a jamais formulé aucune excuse, mais au contraire a poussé son concubin à agresser les autres salariés de la maison de retraite ayant témoigné pour l’employeur, […] ou reliant la sanction dont elle a fait l’objet à l’instauration des 35 heures dans l’établissement à laquelle elle aurait pris une part active [sans doute en faisant partie de l’équipe de Mme Aubry à l’Assemblée nationale… ? !] démontre le danger qu’elle représente pour les personnes âgées […]

Attendu toutefois que l’ancienneté de Jeanine G. qui a travaillé dans l’établissement pendant près de 10 ans à la satisfaction de son employeur doit être prise en compte dans l’appréciation des faits reprochés ; que ceux-ci ne rendaient pas indispensable son départ immédiat des lieux de travail ; qu’il convient en conséquence de requalifier en cause réelle et sérieuse la faute grave motivant le licenciement et d’allouer à Jeanine G. les indemnités de rupture ».

Les apprentis, premières victimes des plaisanteries au travail
Certainement car ils sont les petits jeunes à « bizuter » du groupe, les apprentis sont à la fois victimes des blagues en entreprise et protégés, à cet égard, par les juridictions. Ainsi, il a été estimé par la Cour de cassation, dès 2006, que le fait d’enfermer un apprenti « volontairement dans un réfrigérateur, même dégivré, et pour un bref laps de temps, [rend la rupture] du contrat d’apprentissage imputable à l’employeur »[3]. En effet, la cour d’appel avait prononcé la résiliation du contrat aux torts… de l’apprenti ! Estimant que,  « si l’incident du congélateur peut apparaître regrettable, il ne saurait cependant caractériser un acte de violence délibéré »…

Depuis, les cours d’appel protègent directement les apprentis, comme ce fut le cas ces dernières années à Paris[4], où le fait pour un salarié de forcer la jeune recrue à sniffer une poudre blanche sortie d’un sachet de plastique devant les collèges a été qualifié de cause réelle et sérieuse de licenciement. Notons cependant que la Cour a adouci le motif de faute lourde initialement retenu par l’employeur.

Sans doute car la cocaïne que l’apprenti était convaincu de sniffer n’était en fait que de la maïzena…Bonsoir !

 

 

[1] 2 octobre 2001, n° C8911.

[2] 11 juillet 2002, n° F0650.

[3] Cour de cassation, chambre sociale, 28 novembre 2006, n° 05-41.925.

Le poisson d’avril de « l’aide-soignante »
L’affaire la plus marquante en matière de poisson d’avril au travail est l’œuvre d’une certaine Jeanine G., née en 1947 et embauchée en 1990 en qualité d’aide-soignante nocturne (non-diplômée) dans une maison de retraite. On ne sait pratiquement rien de Jeanine si ce n’est que le 3 avril 2000, l’équipe de jour de l’établissement où elle travaille informe la direction du poisson d’avril choquant de la salariée. Quinze jours plus tard, Jeanine reçoit sa lettre de licenciement :

« En date du 1er avril 2000, vous vous êtes rendue coupable de maltraitance à personne âgée souffrant d’une altération de ses facultés mentales rendant aléatoire l’expression de sa volonté en la personne de M. F. En effet, avec votre collègue, vous vous êtes permis de prendre M. F. à son réveil, le vêtir d’une robe de femme lui mettre un foulard sur la tête et un masque avec des plumes sur le visage. Vous avez ensuite conduit ce monsieur au milieu du hall principal de l’établissement et l’avez exposé au vu de tous les visiteurs, intervenants, familles et autres membres du personnel. Vous avez quitté votre service en le laissant sur place sans vous soucier de ce qu’il adviendrait de ce monsieur après votre départ. Cet agissement est constitutif d’un manque total de respect de la dignité humaine […] d’autant que ce jour-là, M. F. fêtait son anniversaire et que sa famille pouvait venir à n’importe quel moment. Compte tenu de la gravité de vos agissements, votre maintien dans l’entreprise s’avère impossible, le licenciement prend donc effet immédiatement. »

Il n’en fallait pas plus à Jeanine pour saisir le conseil de prud’hommes de Toulouse afin de faire requalifier son licenciement pour faute grave en renvoi sans cause réelle et sérieuse, et ainsi obtenir une série d’indemnités. Malgré un rapport détaillé des faits reprochés signé par l’intégralité des autres salariés, attestant des faits, ledit Conseil[1] lui donna raison ! Et ce fut la cour d’appel de Toulouse[2] qui, sur demande de l’employeur, mit définitivement fin à la blague (avec cependant une chute inattendue), deux ans après les faits :

« En réalité, les deux salariées, après avoir accompli leur plaisanterie, […] ont laissé en l’état M. F. sans plus s’en occuper ;

Attendu que ce comportement témoigne un manque de considération, une absence de respect vis-à-vis d’une personne vulnérable incapable d’exprimer sa volonté ; qu’elles ont traité M. F. comme un objet destiné à servir leur projet sans prendre en considération sa situation de personne vulnérable ;

Attendu que le comportement de Jeanine G., qui n’a jamais formulé aucune excuse, mais au contraire a poussé son concubin à agresser les autres salariés de la maison de retraite ayant témoigné pour l’employeur, […] ou reliant la sanction dont elle a fait l’objet à l’instauration des 35 heures dans l’établissement à laquelle elle aurait pris une part active [sans doute en faisant partie de l’équipe de Mme Aubry à l’Assemblée nationale… ? !] démontre le danger qu’elle représente pour les personnes âgées […]

Attendu toutefois que l’ancienneté de Jeanine G. qui a travaillé dans l’établissement pendant près de 10 ans à la satisfaction de son employeur doit être prise en compte dans l’appréciation des faits reprochés ; que ceux-ci ne rendaient pas indispensable son départ immédiat des lieux de travail ; qu’il convient en conséquence de requalifier en cause réelle et sérieuse la faute grave motivant le licenciement et d’allouer à Jeanine G. les indemnités de rupture ».

Les apprentis, premières victimes des plaisanteries au travail
Certainement car ils sont les petits jeunes à « bizuter » du groupe, les apprentis sont à la fois victimes des blagues en entreprise et protégés, à cet égard, par les juridictions. Ainsi, il a été estimé par la Cour de cassation, dès 2006, que le fait d’enfermer un apprenti « volontairement dans un réfrigérateur, même dégivré, et pour un bref laps de temps, [rend la rupture] du contrat d’apprentissage imputable à l’employeur »[3]. En effet, la cour d’appel avait prononcé la résiliation du contrat aux torts… de l’apprenti ! Estimant que,  « si l’incident du congélateur peut apparaître regrettable, il ne saurait cependant caractériser un acte de violence délibéré »…

Depuis, les cours d’appel protègent directement les apprentis, comme ce fut le cas ces dernières années à Paris[4], où le fait pour un salarié de forcer la jeune recrue à sniffer une poudre blanche sortie d’un sachet de plastique devant les collèges a été qualifié de cause réelle et sérieuse de licenciement. Notons cependant que la Cour a adouci le motif de faute lourde initialement retenu par l’employeur.

Sans doute car la cocaïne que l’apprenti était convaincu de sniffer n’était en fait que de la maïzena…Bonsoir !

 

 

[1] 2 octobre 2001, n° C8911.

[2] 11 juillet 2002, n° F0650.

[3] Cour de cassation, chambre sociale, 28 novembre 2006, n° 05-41.925.

[4] 4 mars 2020, n° 17/11424.

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الجمعة 29 مارس 2024

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