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Maroc: 12 juges pour 100.000 habitants

     





12 juges pour 100.000 habitants. Le déficit des ressources humaines aux tribunaux est une réalité. Mais cette carence n’est pas seulement quantitative, elle est aussi qualitative, notamment la formation des magistrats. Troublant, quand on sait que le Maroc compte énormément sur la confiance des investisseurs étrangers pour accélérer ses performances économiques. C’est donc à juste titre que l’un des défis majeurs de la feuille de route pour la réforme de la justice consiste à requalifier le système judiciaire. A en croire le calendrier, les premiers résultats seraient visibles à l’horizon 2016. En attendant, l’Institut supérieur de la magistrature (ISM) fait ce qu’il peut.

Après le cursus universitaire, les futurs magistrats suivent un stage de perfectionnement de deux années dans le cadre de l’Institut. La formation dure en tout et pour tout 6 années. Durant les deux années de formation à l’ISM, ce sont des juges ou d’anciens magistrats qui assurent la formation avant que les magistrats aspirants ne soient dispatchés dans divers tribunaux. «La réalité, c’est qu’il est impossible de recevoir une formation qualifiante en deux années d’études. Combiné au manque de compétences pédagogiques des formateurs, le niveau de formation de nos juges est peu concluant», déplore Anas Ait Benkadour, membre du bureau exécutif du Club des juges du Maroc (CJM). Il s’agit donc d’une formation généraliste qui se focalise surtout sur la procédure et le déroulement des audiences. Pour les magistrats qui désirent approfondir leurs connaissances, il faudra s’investir dans des masters spécialisés ou des doctorats.

«Face à l’engorgement des tribunaux, la priorité est donc donnée au nombre de juges au détriment de la qualité», témoigne Rachid Diouri, avocat au barreau de Casablanca. Les juges déplorent également l’insuffisance des formations méthodologiques et l’absence de programmes clairs avec des objectifs prédéfinis… bref, les symptômes habituels de la formation académique.  «Il est notamment regrettable que nous n’ayons pas de formation psychologique ou sociologique, indispensable pour un exercice efficace de notre métier», relève Ait Benkadour. Cette déficience se ressent surtout lorsque les juges sont amenés à traiter des affaires liées au droit de la famille ou encore devant certains crimes où l’aspect psychologique est important.  A cela, il faut ajouter les problèmes de langues longtemps soulignés chez nos magistrats, qui sont, pour la plupart, exclusivement arabophones.

Le retard accusé est d’autant plus flagrant que les magistrats sont de plus en plus amenés à traiter des affaires à connotation économique, notamment celles liées aux crimes financiers, aux affaires de concurrence ou encore à la comptabilité des entreprises. 

Des disciplines relativement récentes qui nécessitent des formations pluridisciplinaires (fiscalité, commerce, administration des sociétés, etc.) et des stages en entreprise pour au moins familiariser les juges avec les questions économiques et l’environnement de l’entreprise. «Je peux vous assurer qu’aucun juge marocain ne possède cette formation et nous le constatons clairement au niveau des tribunaux de commerce», insiste  Diouri. Faut-il rappeler que l’ex-ministre de la Justice, feu Mohamed Naciri, avait affirmé dans un entretien publié sur nos colonnes (édition n° 3528 du 12/05/2011), que 9 magistrats sur 10 ne savent pas lire un bilan comptable.

«S’ils demeurent plus ou moins capables de traiter des affaires ne nécessitant pas une connaissance profonde des techniques financières, pour les affaires plus compliquées, ils font très souvent appel  à des experts, et se rangent presque systématiquement à leur avis», souligne Younes Anibar, avocat casablancais.

Pourtant, pour ce qui est des crimes financiers, le législateur a institué des pôles financiers dans la nouvelle organisation judiciaire (lois 34-10 et 36-10 publiées au Bulletin officiel n° 5975 du 5 septembre 2011). Le texte prévoit la mise en place de pôles spécialisés dans ce type de crimes. Ces pôles comportent des Chambres criminelles de première instance et d’appel dotées de leur propre parquet, d’un secrétariat-greffier et d’un secrétariat du parquet.

Une organisation complète qui décidera en appel sur toutes les affaires de «détournement et concussion commis par des fonctionnaires publics» ainsi que d’«abus d’autorité commis par des fonctionnaires contre l’ordre public». Très prometteur sur papier, mais où trouvera-t-on les magistrats capables d’assurer une telle mission?

Pour accompagner ces réformes, des formations continues ont été intégrées au programme de l’Institut supérieur de la magistrature.  Jusqu’ici, le bilan n’a pas été concluant: ces formations se seraient limitées à des stages superficiels et ponctuels que suivraient des magistrats professionnels d’un autre âge. «Il ne faut pas se leurrer, il s’agit de formations élémentaires qui ne font que survoler certaines spécialités», confie Ait Benkadour.

Maroc: 12 juges pour 100.000 habitants

l economiste




الثلاثاء 19 يونيو 2012

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