Bilal EL Mahfoudi
Introduction
Pour un détenu, « Il est dur à tuer ce temps ! »[1] . Cette notion du temps est liée à l’occupation et sa durée est extrêmement pénible à vivre pour les détenus. La notion du calendrier finit par s’estomper dans une vie qui n’est plus marquée par les événements. Tous les jours se ressemblent et les mois aussi, parfois les saisons[2]. « L’espace et le temps sont les repères familiers dans le cadre desquels nous interprétons ce que nous percevons du monde qui nous entoure, en particulier le mouvement. Pourtant l’espace est, par nature, temporel, et le temps, spatial, puisque tous les deux constituent les supports de notre vie sociale »[3] . Ce lien qui unit le temps et l’espace, revêt un intérêt particulier en ce qui concerne la sociologie des prisons. Ainsi la notion de temps en prison est différente, par conséquent, de celle des gens de l’autre côté de la clôture. La gestion de l’espace pénitentiaire doit prendre en compte plusieurs facteurs en vue de réaliser l’objectif nouveau de la politique pénale qui est la réinsertion sociale, que ce soit au niveau de l’organisation dans l’enceinte carcérale ou dans la rédaction des textes qui régissent ce domaine. Cependant, cette finalité n’est pas toujours efficace, si l’on peut dire, d’abord en raison de sa précarité dans l’esprit des dirigeants et de la société entière, mais aussi parce que le prisonnier demeure un individu antisocial qui ne suscite pas forcément la curiosité de tout le monde. Par conséquent cette situation crée, à notre avis, une paresse intellectuelle des penseurs censés être concernés par ce sujet, notamment les juristes. Certains sociologues (LESAGE de la HAYE, AQUATIAS S, COLIN P, KLINGER M…) se sont intéressés à un aspect particulier des espaces carcéraux notamment, la notion de temps en prison. Des études sur le terrain ainsi que des témoignages de prisonniers et de surveillants[4]ont démontrés l’importance du cadre temporelle dans la gestion efficace du milieu pénitentiaire, surtout en ce qui concerne la détermination du comportement des détenus qui purgent leur peine dans un espace réduit où le temps peut s’avérer lent et destructeur. Ce qui va à l’encontre de l’objectif de réhabilitation étant donné les effets néfastes qu’il peut engendrer à défaut de bonne exploitation. Ainsi nous nous sommes interrogées s’il n’était pas opportun que cet aspect, soit transposé sur le volet juridique : Le temps ne serait-il pas un outil efficace pour adopter une politique criminelle et carcéral qui répond à cette double finalité de justice et de resocialisation des acteurs antisociaux ? La notion de temps saurait revêtir un aspect primordial de la politique criminelle et carcérale. D’abord parce que le temps est la notion principale sur laquelle s’articule la peine privative de liberté C’est donc un temps pénal (I). Ensuite le temps est un paramètre à exploiter pour la gestion de l’établissement, on est donc face à une notion dite de temps carcéral (II).
Première partie : Le temps pénal : Un outil déterminant de la peine.
La raison d’être des établissements pénitentiaire, n’est outre que l’existence de cette peine dite privative de liberté. Cette dernière consiste en l’incarcération d’une personne jugée définitivement pour infraction à la loi pénale pour une durée, d’abord, déterminée par la loi et ensuite aménagée par le juge qui prononce la sentence. On assiste aussi à des incarcérations préventives qui se distinguent des premiers par leur caractère provisoire malgré leur nombre qui dépasse souvent les détenus définitifs, ces prévenues sont donc en attente de leur jugement et font le compte des minutes aussi bien que leur voisins. Le facteur temporel apparait dès lors que la juridiction pénale est saisie. Certes, la peine étant la privation de liberté mais la durée de celle-ci est déterminante dans la mesure où c’est en fonction du temps qu’elle durera, que la privation de liberté peut s’avérer efficace d’un angle de vue de réinsertion et soit juste du point de vue justice et équité.
Deuxièmepartie : Le temps Carcéral : Un outil de gestion pénitentiaire
Après le choc de l’arrestation qui fige le temps, vient le second choc, celui de l’incarcération. Il faut d’emblée différencier le temps carcéral du temps pénal, qui est strictement encadré par le Code pénal et le Code de procédure pénale, le temps carcéral étant soumis aux règlements internes propres à chaque établissement et aux usages. Le temps est un facteur qui englobe tous les actes et mesures prises lors de la gestion pénitentiaire confrontant administration, surveillants et détenus. En effet, qu’il s’agisse du classement des détenus en quartier dans les prisons ou maisons d’arrêt, les activités entreprises au sein de la prison pour la responsabilisation des détenus ou les mesures disciplinaires prise à leur encontre, la notion de temps intervient et l’efficacité de ces actes dépend de la bonne exploitation de ce dernier. Soulever donc l’importance de la gestion du temps dans l’espace carcéral a pour but, à la fois, de prévenir le comportement des détenus et d’assurer une organisation pénitentiaire conforme au but ultime qui est celui de la réinsertion sociale.
Le travail du surveillant en devient mécanique, toute activité est soumise à des injonctions temporelles. Au vu du nombre de détenus, certaines tâches nécessitent un roulement des détenus, le surveillant doit alors veiller à ce que chaque groupe commence et termine à heure fixe pour pouvoir faciliter Cette rotation. La prison comporte également plusieurs espaces et le temps n’y est pas vécu de la même façon. Ainsi il faut distinguer le temps en cellule dite « normale » et le temps en « cellule disciplinaire », dite « mitard10 » dans le jargon pénitentiaire. À cet endroit, le temps change : « un jour, c’est quatre jours », comme l’indique un détenu. En effet, le régime y est disciplinaire : pas de télévision, pas de radio, pas de visites, pas de codétenu, et les promenades sont individuelles. Un tel régime rend la maîtrise du temps impossible et laisse le détenu face à lui même. Dans des cas extrêmes cet enfermement total peut aliéner le détenu.
Conclusion
Il s’avère notion du temps n’est pas entrepris dans son sens le plus objectif, d’où à notre avis, la source de l’échec de la resocialisation dans plusieurs prisons de par le monde. Le face-à-face entre ceux qui n’ont pas le temps, les surveillants, qui travaillent toujours dans l’urgence, et ceux qui en ont trop, les détenus, et qui ne savent quoi en faire, entraîne un rapport de domination où le temps des surveillants gouverne celui des détenus. Si le détenu manque d'occupations, il passe son temps à attendre. Est-ce que cela répond aux exigences de droit de l’Homme et des paramètres de la justice et l’équité dans l’Etat de droit, aussi relative soit elle ?
Pour un détenu, « Il est dur à tuer ce temps ! »[1] . Cette notion du temps est liée à l’occupation et sa durée est extrêmement pénible à vivre pour les détenus. La notion du calendrier finit par s’estomper dans une vie qui n’est plus marquée par les événements. Tous les jours se ressemblent et les mois aussi, parfois les saisons[2]. « L’espace et le temps sont les repères familiers dans le cadre desquels nous interprétons ce que nous percevons du monde qui nous entoure, en particulier le mouvement. Pourtant l’espace est, par nature, temporel, et le temps, spatial, puisque tous les deux constituent les supports de notre vie sociale »[3] . Ce lien qui unit le temps et l’espace, revêt un intérêt particulier en ce qui concerne la sociologie des prisons. Ainsi la notion de temps en prison est différente, par conséquent, de celle des gens de l’autre côté de la clôture. La gestion de l’espace pénitentiaire doit prendre en compte plusieurs facteurs en vue de réaliser l’objectif nouveau de la politique pénale qui est la réinsertion sociale, que ce soit au niveau de l’organisation dans l’enceinte carcérale ou dans la rédaction des textes qui régissent ce domaine. Cependant, cette finalité n’est pas toujours efficace, si l’on peut dire, d’abord en raison de sa précarité dans l’esprit des dirigeants et de la société entière, mais aussi parce que le prisonnier demeure un individu antisocial qui ne suscite pas forcément la curiosité de tout le monde. Par conséquent cette situation crée, à notre avis, une paresse intellectuelle des penseurs censés être concernés par ce sujet, notamment les juristes. Certains sociologues (LESAGE de la HAYE, AQUATIAS S, COLIN P, KLINGER M…) se sont intéressés à un aspect particulier des espaces carcéraux notamment, la notion de temps en prison. Des études sur le terrain ainsi que des témoignages de prisonniers et de surveillants[4]ont démontrés l’importance du cadre temporelle dans la gestion efficace du milieu pénitentiaire, surtout en ce qui concerne la détermination du comportement des détenus qui purgent leur peine dans un espace réduit où le temps peut s’avérer lent et destructeur. Ce qui va à l’encontre de l’objectif de réhabilitation étant donné les effets néfastes qu’il peut engendrer à défaut de bonne exploitation. Ainsi nous nous sommes interrogées s’il n’était pas opportun que cet aspect, soit transposé sur le volet juridique : Le temps ne serait-il pas un outil efficace pour adopter une politique criminelle et carcéral qui répond à cette double finalité de justice et de resocialisation des acteurs antisociaux ? La notion de temps saurait revêtir un aspect primordial de la politique criminelle et carcérale. D’abord parce que le temps est la notion principale sur laquelle s’articule la peine privative de liberté C’est donc un temps pénal (I). Ensuite le temps est un paramètre à exploiter pour la gestion de l’établissement, on est donc face à une notion dite de temps carcéral (II).
Première partie : Le temps pénal : Un outil déterminant de la peine.
La raison d’être des établissements pénitentiaire, n’est outre que l’existence de cette peine dite privative de liberté. Cette dernière consiste en l’incarcération d’une personne jugée définitivement pour infraction à la loi pénale pour une durée, d’abord, déterminée par la loi et ensuite aménagée par le juge qui prononce la sentence. On assiste aussi à des incarcérations préventives qui se distinguent des premiers par leur caractère provisoire malgré leur nombre qui dépasse souvent les détenus définitifs, ces prévenues sont donc en attente de leur jugement et font le compte des minutes aussi bien que leur voisins. Le facteur temporel apparait dès lors que la juridiction pénale est saisie. Certes, la peine étant la privation de liberté mais la durée de celle-ci est déterminante dans la mesure où c’est en fonction du temps qu’elle durera, que la privation de liberté peut s’avérer efficace d’un angle de vue de réinsertion et soit juste du point de vue justice et équité.
- Une approche temporelle favorable à la réinsertion
- Une approche temporelle pour une peine juste
Deuxièmepartie : Le temps Carcéral : Un outil de gestion pénitentiaire
Après le choc de l’arrestation qui fige le temps, vient le second choc, celui de l’incarcération. Il faut d’emblée différencier le temps carcéral du temps pénal, qui est strictement encadré par le Code pénal et le Code de procédure pénale, le temps carcéral étant soumis aux règlements internes propres à chaque établissement et aux usages. Le temps est un facteur qui englobe tous les actes et mesures prises lors de la gestion pénitentiaire confrontant administration, surveillants et détenus. En effet, qu’il s’agisse du classement des détenus en quartier dans les prisons ou maisons d’arrêt, les activités entreprises au sein de la prison pour la responsabilisation des détenus ou les mesures disciplinaires prise à leur encontre, la notion de temps intervient et l’efficacité de ces actes dépend de la bonne exploitation de ce dernier. Soulever donc l’importance de la gestion du temps dans l’espace carcéral a pour but, à la fois, de prévenir le comportement des détenus et d’assurer une organisation pénitentiaire conforme au but ultime qui est celui de la réinsertion sociale.
- La prévention du comportement du détenu par le biais du temps
- Vers une gestion carcérale administrée
Le travail du surveillant en devient mécanique, toute activité est soumise à des injonctions temporelles. Au vu du nombre de détenus, certaines tâches nécessitent un roulement des détenus, le surveillant doit alors veiller à ce que chaque groupe commence et termine à heure fixe pour pouvoir faciliter Cette rotation. La prison comporte également plusieurs espaces et le temps n’y est pas vécu de la même façon. Ainsi il faut distinguer le temps en cellule dite « normale » et le temps en « cellule disciplinaire », dite « mitard10 » dans le jargon pénitentiaire. À cet endroit, le temps change : « un jour, c’est quatre jours », comme l’indique un détenu. En effet, le régime y est disciplinaire : pas de télévision, pas de radio, pas de visites, pas de codétenu, et les promenades sont individuelles. Un tel régime rend la maîtrise du temps impossible et laisse le détenu face à lui même. Dans des cas extrêmes cet enfermement total peut aliéner le détenu.
Conclusion
Il s’avère notion du temps n’est pas entrepris dans son sens le plus objectif, d’où à notre avis, la source de l’échec de la resocialisation dans plusieurs prisons de par le monde. Le face-à-face entre ceux qui n’ont pas le temps, les surveillants, qui travaillent toujours dans l’urgence, et ceux qui en ont trop, les détenus, et qui ne savent quoi en faire, entraîne un rapport de domination où le temps des surveillants gouverne celui des détenus. Si le détenu manque d'occupations, il passe son temps à attendre. Est-ce que cela répond aux exigences de droit de l’Homme et des paramètres de la justice et l’équité dans l’Etat de droit, aussi relative soit elle ?
[1] Témoignage d’un prisonnier en Belgique
[2] La vie en prison, p. 14
[3] Gwiazdzinski, 2004, p.32
[4] L’espace-temps carcéral : vers une gestion temporelle des demandes des reclus, p 376
[5] C. Beccaria, Traité des délits et des peines, p.76
[6] L’huilier, Aymar, 1997, p.226