MarocDroit  -  موقع العلوم القانونية



LA SAISIE CONTREFACON EN MATIERE DE BREVET D'INVENTION

     

Docteur Moulay Abdellah CHABBOUBA
Docteur en Droit Privé et Science Criminelles



LA SAISIE CONTREFACON EN MATIERE DE BREVET D'INVENTION



     
 
La saisie contrefaçon est régie par l’article 211, alinéa 2, de la loi n°17-97 modifié et complété par la loi n° 31-05 relative à la propriété industrielle, qui dispose au profit du demandeur à l'action en contrefaçon de brevet : « Il est... en droit de faire procéder, sur ordonnance du président du tribunal du lieu de la contrefaçon, par un huissier de justice ou par un greffier, à la description détaillée, avec ou sans saisie, des produits ou procédés prétendus contrefaits. Il peut être procédé à ladite description avec l’assistance d’un expert qualifié. L'exécution de ladite ordonnance peut être subordonnée à une consignation par le requérant. Dans la même ordonnance, le président du tribunal peut autoriser un greffier, assisté d'un expert qualifié, qui sera chargé de toute constatation utile en vue d'établir l'origine, la consistance et l'étendue de la contrefaçon.».

En effet, la saisie contrefaçon a pour objet de rapporter la preuve d'un acte ou d'un fait argué de contrefaçon et de préciser la consistance, l'étendue et l'origine de la contrefaçon. Un arrêt de la Cour d'appel de Paris a précisé que « la saisie-contrefaçon est une procédure exceptionnelle permettant au breveté avant tout procès contradictoire de pénétrer chez autrui sans son assentiment afin d'y procéder à des investigations, des constatations, voire des saisies réelles tendant à apporter la preuve d'une contrefaçon alléguée sans que le saisissant ait la faculté de s'opposer au déroulement des opérations de saisie »[[1]]url:#_ftn1 .

A ce titre, la saisie contrefaçon ne peut être exécutée, d’après l’article 211 de la loi n°17-97 modifié et complété par la loi n° 31-05 relative à la propriété industrielle, que suite à une ordonnance du président du tribunal de commerce du lieu de la contrefaçon.
l'huissier de justice ou le greffier chargé de l'exécution doit respecter scrupuleusement les règles de procédure et les termes de l'ordonnance afin d'éviter la nullité de la saisie. A cet égard, une décision rendue, le 5 avril 2006, par la Cour d’appel de Paris précise que «  la saisie contrefaçon, procédure exceptionnelle, devait être exécutée dans le respect le plus strict des dispositions légales et des termes de l'ordonnance sur requête qui l'autorise. En application de cette règle générale, les juges ont annulé l'irrégularité des opérations de saisie contrefaçon diligentées »[[2]]url:#_ftn2 .
 
Ce faisant, l’ordonnance peut prescrire soit une description détaillée, soit une saisie réelle des produits ou procédés prétendus contrefaisants : Une saisie-contrefaçon est descriptive lorsqu'elle se limite à décrire les actes ou les faits argués de contrefaçon[[3]]url:#_ftn3 . Une saisie-contrefaçon est réelle lorsque l'huissier de justice ou le greffier saisit réellement des objets ou documents lors des opérations. La saisie réelle doit toujours être accompagnée d'une description des pièces saisies[[4]]url:#_ftn4 et être autorisée par l'ordonnance de saisie-contrefaçon.

Aussi, l’article 211, alinéa 3, de la loi n°17-97 modifié et complété par la loi n° 31-05 relative à la propriété industrielle, prévoit que l’exécution de l’ordonnance peut être subordonner à une consignation par le requérant, elle peut être imposée pour une saisie descriptive avec ou sans saisie réelle. Les garanties sont destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du préjudice subi par le défendeur si l'action en contrefaçon s'avère ultérieurement non fondée.

Cette ordonnance peut enfin autoriser le greffier assisté d'un expert qualifié à procéder, outre la saisie-description et la saisie réelle, à toute constatation utile en vue d’établir l’origine, la consistance  et l’étendue de la contrefaçon.

A ce titre, l’huissier de justice ou le greffier, même assistés d’un expert , ne peuvent pas jouer le rôle du juge, leur mission est de décrire. S’ils se livrent à formuler des appréciations ou à faire des comparaisons, le juge ne retiendra du rapport que la partie descriptive. C’est ce que confirme par un arrêt rendu par la Cour de Cassation[[5]]url:#_ftn5 en date du 05 Avril 2000 qui a tenu à préciser que « l’huissier de justice n’est habilité qu’à faire une description et non une comparaison entre l’objet saisi et l’objet prétendu contrefait, ce qui est de la seule compétence des juges dans le cadre de la procédure de constat ou des experts s’agissant d’une question technique »[[6]]url:#_ftn6 .

Enfin, ces opérations de saisie sont nulles de plein droit si le requérant n’intente pas une action au fond dans le délai maximum de trente jours à compter de l’exécution de l’ordonnance.
 
Pour de plus amples explications, nous étudieront successivement les caractéristiques de la saisie contrefaçon en matière de brevet d’invention (Section 1), puis  l’exécution de la saisie-contrefaçon (Section 2) et le déroulement des opérations (Section 3), ainsi que les conséquences d'une saisie-contrefaçon (Section 4).
 
Section 1 - Les caractéristiques de la saisie contrefaçon en matière de brevet d’invention :
 
 
La saisie-contrefaçon en matière de brevet a trois caractéristiques, qui sont d'être un acte exorbitant du droit commun, facultatif et uniquement probatoire. Elle partage ces trois caractères avec la saisie-contrefaçon en matière de dessins et modèles. Elle diffère toutefois en ce qui concerne le dernier caractère de la saisie-contrefaçon en matière de marque et de droit d’auteur et droits voisins.
Ceci étant, il convient d’examiner de prime abord le caractère dérogatoire (Paragraphe 1), avant de s’arrêter sur le caractère facultatif (Paragraphe 2) ainsi que sur le caractère probatoire (Paragraphe 3).
 
Paragraphe 1- Un caractère dérogatoire :
 
La saisie-contrefaçon a, dans tous les domaines où elle est prévue par la loi, un caractère dérogatoire du droit commun. Cela consiste à faire pénétrer l'huissier ou le greffier et d'autres personnes, par la force au besoin, au domicile ou dans les locaux privés du concurrent, pour s'y livrer à une perquisition en règle. En l'absence du texte légal l'autorisant, cela serait une violation de domicile. L'huissier ou le greffier peut partir avec des objets ou des documents qu'il choisit à sa discrétion.
De plus, l'intrusion a lieu par surprise, puisque l'autorisation est accordée par une procédure gracieuse, à l'insu du principal intéressé, par exception au principe du contradictoire. Il a été jugé à cet égard en matière de marques qu'il n'y avait pas lieu à rétractation de l'ordonnance de saisie au motif qu'elle a été rendue non contradictoirement[[7]]url:#_ftn7 . La possibilité de déroger de la sorte au principe de la contradiction a été admise par les Accords ADPIC[[8]]url:#_ftn8 .
C'est en raison de ce caractère exorbitant de la mesure que les dispositions légales qui réglementent la matière et l'autorisation donnée par le président dans l'ordonnance doivent être strictement interprétées.
 
Paragraphe 2 – Un caractère facultatif
 
S'il est vrai qu'elle précède le plus souvent l'action en contrefaçon, elle n'est qu'un mode de preuve de la contrefaçon, qui est un fait pouvant être prouvé par tous moyens[[9]]url:#_ftn9 . Il faut retenir, parmi les autres moyens de preuve, les présomptions de la loi[[10]]url:#_ftn10 , l'aveu[[11]]url:#_ftn11 . Ainsi, un constat d'achat peut être fait licitement depuis la voie publique[[12]]url:#_ftn12 ou sur le lieu d'une manifestation ouverte au public[[13]]url:#_ftn13 pourvu que la personne envoyée par l'huissier pour acheter l'objet litigieux ne se livre à aucune investigation et ne pose aucune question et que l'huissier se borne à constater de l'extérieur l'achat de l'objet.
 
Un autre moyen de preuve peut être constitué par la production de l'objet litigieux lui-même, s'il porte mention de son origine et de ses dates et lieu de vente ou de fabrication. Ce peut être aussi la production d'une documentation décrivant l'objet et contenant les mêmes renseignements. Il en résulte que si la saisie-contrefaçon est obligatoirement suivie d'une action en contrefaçon, l'action peut ne pas être précédée d'une saisie. Il a ainsi été jugé que le demandeur qui a négligé de faire sa preuve par une saisie-contrefaçon n'a pas en cela commis un abus de procédure puisque aucun texte ne l'obligeait à recourir à ce moyen de preuve particulier[[14]]url:#_ftn14 . C’est dans ce sens que la Cour de cassation a affirmé, dans un arrêt rendu le 30 mars 1988, que « si l’article 133 du dahir de 1916 prévoyait la possibilité de procéder à une saisie descriptive, cette procédure n’est pas obligatoire, la cour pouvant prendre toute autre mesure d’instruction notamment l’expertise conformément aux règles générales »[[15]]url:#_ftn15 .
 
Il en résulte aussi naturellement que la nullité de la saisie-contrefaçon est sans incidence sur la recevabilité de l'action en contrefaçon qui lui fait suite.
De même le fait que l'une des caractéristiques de la machine incriminée ne soit pas décrite dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon ne prive pas le demandeur de prouver autrement la contrefaçon de cette caractéristique[[16]]url:#_ftn16 .      
 
 
Paragraphe 3 – Un caractère probatoire
 
La saisie-contrefaçon a enfin la nature d'une mesure strictement probatoire. On ne peut donc en user que dans le but de faire la preuve de la contrefaçon[[17]]url:#_ftn17 . C'est le sens de l'article 211, alinéa 2, de la loi n°17-97 relative à la propriété industrielle qui prévoit "la description détaillée, avec ou sans saisie, des produits ou procédés prétendus contrefaits".
 
Il en résulte plusieurs conséquences, la saisie réelle ne peut porter sur l'ensemble des stocks des objets incriminés[[18]]url:#_ftn18 . Même quand elle n'a porté que sur quelques exemplaires d'un appareil incriminé, le juge des référés peut par voie de rétractation cantonner la saisie réelle à un seul appareil, dès lors que cela ne rend pas la preuve plus difficile[[19]]url:#_ftn19 . La partie saisissante ne peut pas, sans commettre de faute, lorsque la saisie-contrefaçon lui a procuré la preuve de la contrefaçon qu'elle allègue, procéder inutilement à de nouvelles saisies[[20]]url:#_ftn20 . Une décision a même interdit à un breveté de pratiquer toute nouvelle saisie-contrefaçon, dès lors que de multiples saisies déjà faites lui permettaient de fonder éventuellement son action en contrefaçon[[21]]url:#_ftn21 .
 
Contrairement aux autres caractères de la saisie-contrefaçon, cette limitation à une fonction de preuve, n'est pas commune à toute les saisies-contrefaçon dans les autres domaines de la propriété intellectuelle. En matière de marques (l’art.222 de la loi 17-97) et de droit d'auteur et droit voisin (l’art 61,b de la loi 2-00 modifiée et complétée par la loi n°34-05 relative aux droit d’auteurs et droits voisins), la saisie réelle peut ne pas être restreinte au prélèvement de quelques exemplaires ou échantillons des objets incriminés pour servir de preuve, mais peut porter sur la totalité des stocks et constituer ainsi une sanction par anticipation[[22]]url:#_ftn22 .
 
 Section 2 - L’exécution de la saisie-contrefaçon
 
Le caractère dérogatoire du droit commun de la saisie-contrefaçon impose un strict respect des règles posées par la loi et l'ordonnance[[23]]url:#_ftn23 . Son caractère facultatif a pour conséquence que, ni le bénéficiaire de l'ordonnance, ni l'huissier de justice ni le greffier requis par lui n'ont l'obligation de l'exécuter[[24]]url:#_ftn24 et que l'un et l'autre peuvent en interrompre l'exécution, même après remise de la copie de l'ordonnance et même après une tentative d'exécution[[25]]url:#_ftn25 .
Une fois en possession de l'ordonnance, le saisissant doit donner mandat de l'exécuter à un huissier de justice ou un greffier qui à son tour pourra faire appel à certaines personnes pour l'aider dans cette tâche. Il faut ensuite que l'huissier et éventuellement ces autres personnes sachent d'avance jusqu'où aller dans la nécessaire recherche de la preuve, tout en se conformant aux règles protégeant les intérêts légitimes du saisi.
Dans l'événement qui va avoir lieu, il peut n'y avoir que deux acteurs, l'huissier ou le greffier et le détenteur des objets saisis. Mais le plus souvent l'huissier est aidé par d'autres personnes désignées dans l'ordonnance. Enfin, la présence de certaines personnes est interdite.
Cela étant, existe-t-il, à notre égard, deux catégories d’acteurs : Acteurs principaux (Paragraphe 1), et acteurs facultatifs (Paragraphe 2).
 
Paragraphe 1 – Les acteurs principaux
 
La pièce peut se jouer à deux acteurs, mais pas moins l'huissier ou le greffier (A) et le détenteur des objets saisis (B).
 
A) - Le huissier de justice ou le greffier.
 
Selon l’article 211, alinéa 2, de la loi n°31-05 modifiant et complétant la loi n°17-97 portant sur la propriété industrielle, la saisie-contrefaçon ne peut être opérée que par un huissier de justice ou par un greffier. Bien que les règles relatives au statut des huissiers[[26]]url:#_ftn26 ne permet à ceux-ci d'instrumenter que dans les limites de leur compétence territoriale. Leur statut leur interdit aussi d'instrumenter à l'égard de leurs parents et alliés.
 
En effet, le bénéficiaire de l'ordonnance choisit librement l'huissier qui procédera à la saisie. En droit, celui-ci reçoit mandat du saisissant d'exécuter l'ordonnance, ce qu'il fera sous sa propre responsabilité et en engageant celle de son mandant. C'est sous la même responsabilité de l'huissier et du saisissant qu'agiront éventuellement les personnes que l'huissier commettra pour l'aider matériellement dans sa tâche.
L’article 211, de la loi n°31-05 modifiant et complétant la loi n°17-97 portant sur la propriété industrielle, prévoit que le breveté peut procéder à la saisie par un huissier de justice ou par un greffier. Dans la pratique le nombre d'huissiers pouvant faire la saisie ne limite pas, deux huissiers peuvent instrumenter successivement, par exemple s'ils sont associés d'une même société civile professionnelle (SCP). Un seul procès-verbal est dressé, mentionnant cela. C'est le dernier à intervenir qui le clôturera.
 
B) - Le détenteur de l'objet saisi
 
Même quand l'ordonnance ne désigne que le lieu de la saisie ou ne désigne qu'indirectement le détenteur des objets saisis, l'identification de celui-ci est nécessaire, pour que la saisie puisse débuter. Cela n'exclut pas d'ailleurs que les deux acteurs se confondent quand l'huissier (ou le greffier) fait la saisie-contrefaçon entre ses propres mains.
 
Paragraphe 2– Les acteurs facultatifs
 
En dehors du cas d'une technique simple et de la prévision d'une saisie sans obstruction, le saisissant a intérêt à user de son droit de faire assister l'huissier ou le greffier par un expert qualifié.
De son côté, l'huissier ou le greffier, peut souhaiter commettre pour l'aider dans sa tâche une ou plusieurs personnes ayant des compétences techniques que l'huissier ou le greffier n'a pas lui-même. L'huissier  ou le greffier peut aussi requérir l'aide de la force publique.
On examinera successivement l'expert assistant l'huissier (A) le commis de l'huissier  (B) et enfin la force publique (C).
 
A- L'expert assistant l'huissier
 
 
Selon l’art.211, al. 2, de la loi n°31-05 modifiant et complétant la loi n°17-97 portant sur la propriété industrielle, l'accompagnement de l'huissier ou le greffier par un expert doit avoir été autorisé par l'ordonnance[[27]]url:#_ftn27 . Bien que cette autorisation ne puisse être refusée, elle reste nécessaire et peut être accompagnée d'une restriction.
 
En effet, le choix de l'expert qualifié, comme celui de l'huissier ou du greffier, étant ordonné par le président du tribunal de commerce du lieu de la contrefaçon, son nom doit figurer dans l'ordonnance. L'ordonnance prévoit donc généralement que l'expert sera choisi par le juge. Elle peut ajouter à la demande de celui-ci que ce pourra être telle personne nommément désignée ou un ingénieur de tel cabinet de conseils en propriété industrielle.
 
A cet égard, le mot "expert" employé à l'article L. 211, alinéa 2, ne doit pas être pris au sens d'expert judiciaire, Il suffit donc que ce soit quelqu'un qui a les connaissances techniques et l'indépendance d'esprit nécessaire pour guider l'huissier ou le greffier dans la recherche de la preuve. Il est souvent appelé, dans les ordonnances et les décisions judiciaires, homme de l'art ou technicien assistant l'expert. Ce n'est donc pas l'expert technique dont la désignation doit être précédée par la consultation prévue par l'article 211 de la loi 17-97.
 
Selon la loi de la loi n°31-05 modifiant et complétant la loi n°17-97 portant sur la propriété industrielle, l'expert a pour mission, d'assister l'huissier ou le greffier. Sans pouvoir procéder lui-même à des perquisitions, il peut expliquer à l'huissier ou le greffier quels sont les objets ou les documents pertinents et orienter les pas de l'huissier ou son regard vers ceux-ci. Il explique à l'huissier quels sont les moyens techniques incriminés et leur fonctionnement afin que celui-ci puisse de lui-même les voir et les décrire. Mais il arrive que l'huissier, cédant à la facilité ou ne pouvant décrire lui-même une technique qu'il ne peut comprendre, transcrive purement et simplement les déclarations de l'expert sans faire aucune constatation directement par lui-même. Cette façon de procéder a été jugée regrettable[[28]]url:#_ftn28 mais n'a pour effet que de diminuer la force probante de la saisie-contrefaçon sans en entraîner la nullité.
 
Aussi, l'expert peut assister l'huissier pour lui signaler les objets ou documents qui peuvent constituer des secrets de fabrique ou de commerce appartenant au détenteur des objets saisis. L'huissier peut alors, soit s'abstenir de décrire ou d'appréhender ces éléments s'ils ne sont pas utiles à la preuve de la contrefaçon alléguée, soit dans le cas contraire mettre les objets ou documents au secret sous enveloppe scellée et conserver celle-ci ou la déposer au greffe en attendant que la difficulté soit réglée par un juge.
 
 
 B) – Le commis de l'huissier :
 
L'ordonnance peut prévoir que l'huissier pourra se faire aider de personnes ayant des compétences techniques qu'il n'a pas lui-même. Ce peut être un photographe ou un dessinateur pour l'aider dans la description. Ce peut être un serrurier pour ouvrir une porte ou un tiroir, un mécanicien pour démonter et remonter un appareil, un informaticien pour mettre en oeuvre un logiciel, etc. Même quand cela n'est pas prévu dans l'ordonnance, il entre dans la compétence de l'huissier ou de greffier, en cas de nécessité, de se faire aider par des commis ayant des compétences particulières, comme d'ailleurs par un clerc ou une secrétaire de son étude. Ces personnes devront, elles aussi, être choisies en dehors des subordonnés du saisissant[[29]]url:#_ftn29 .
 
C)- La force publique :
 
 
Les ordonnances autorisent en général l'huissier ou le greffier à requérir l'aide de la force publique. Mais même dans le silence de l'ordonnance, celle-ci constitue une décision judiciaire exécutoire, de sorte que l'huissier peut requérir la force publique[[30]]url:#_ftn30 .
A cet égard, ce sera le commissaire de police territorialement compétent ou en zone rurale la brigade de la gendarmerie royale dans le ressort desquels la saisie doit avoir lieu. La seule présence d'un représentant de la force publique suffit généralement à ouvrir les portes devant l'huissier ou le greffier. En cas d'obstruction de la part du saisi ou de son personnel, des renforts de police ou de gendarmerie peuvent être appelés. Mais le déploiement injustifié d'importantes forces de police peut constituer un abus de droit et engager la responsabilité de la partie saisissante.
 
Section 3 - Le déroulement des opérations de la saisie contrefaçon
 
 
Avant de procéder à la saisie, l'huissier de justice ou le greffier doit donner copie de l'ordonnance au saisi ainsi que de l'acte constatant le dépôt du cautionnement, lorsqu'il a été ordonné.
 
En effet, l'huissier de justice (ou le greffier) doit, pour procéder à l'exécution de la saisie, respecter scrupuleusement les termes de l'ordonnance du président du tribunal de commerce[[31]]url:#_ftn31 . Sa mission consiste notamment à décrire dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon les objets, produits, actes ou faits argués de contrefaçon, à enregistrer les explications techniques données par l'expert qualifie, à poser des questions afin de connaître l'origine, l'étendue, la consistance de la contrefaçon, à enregistrer les protestations du saisi, à se faire remettre ou photocopier des documents[[32]]url:#_ftn32 , à prendre des photographies, à viser et parapher des documents, s'il y est autorisé.
Aussi, l'huissier de justice (ou le greffier) procède ensuite à la saisie réelle contre paiement du prix des objets saisis conformément aux termes de l'ordonnance. En principe, un exemplaire de chaque pièce saisie est déposé au secrétariat-greffe et l'autre exemplaire remis au saisissant. il a l’obligation de décrire les caractéristiques des objets saisis dans le procès-verbal.
Pendant le déroulement de la saisie-contrefaçon, le saisi ne peut sous le couvert de la confidentialité, s'opposer aux opérations de saisie ou à remettre des documents demandés par l'huissier[[33]]url:#_ftn33 . Pour une saisie-contrefaçon de brevet, une copie du procès-verbal de saisie-contrefaçon doit être laissée au saisi. La copie peut être remise soit à la fin de la saisie, soit ultérieurement[[34]]url:#_ftn34 .
Une saisie-contrefaçon exécutée sur plusieurs jours dont les procès-verbaux successifs mentionnent qu'il s'agit de la continuation de la première saisie est considérée comme valide[[35]]url:#_ftn35 . Dans ce cas, une nouvelle ordonnance n'est pas nécessaire.
 
 
 
 
Section 4 - Les conséquences de la saisie contrefaçon
 
 
Aux termes de l'article 211 alinéa 6, de la loi n°31-05 modifiant et complétant la loi n°17-97 portant sur la propriété industrielle, le requérant doit s'être pourvu devant le tribunal dans un délai de trente jours. Faute de quoi, en matière de brevet, la saisie réelle est nulle de plein droit[[36]]url:#_ftn36 .
Le jour même de la saisie-contrefaçon n'est pas compté pour le délai de trente jours. Si le délai expire un jour férié ou chômé, le délai est prorogé jusqu'au jour ouvrable suivant[[37]]url:#_ftn37 . Des dommages-intérêts peuvent être réclamés si la saisie n'est pas suivie d'une assignation[[38]]url:#_ftn38 .
 
En effet, les causes de nullité peuvent être d'ordre législatif (non-signification préalable de l'ordonnance, non-respect du délai pour poursuivre en contrefaçon...) ou d'ordre jurisprudentiel[[39]]url:#_ftn39 . La jurisprudence française exige, pour les nullités de forme, la preuve d'un préjudice causé par le non-respect de la forme. La nullité d'une saisie-contrefaçon doit être demandée avant tout moyen de défense au fond, afin d'éviter qu'elle soit couverte par les conclusions prises sur le fond[[40]]url:#_ftn40 . La nullité d'une saisie-contrefaçon peut être totale ou partielle[[41]]url:#_ftn41 .
 
Si la saisie est abusive, la responsabilité du saisissant peut être engagée et des dommages-intérêts peuvent lui être réclamés[[42]]url:#_ftn42 .
 
En revanche, il est jugé de manière constante qu'en envoyant des courriers dénigrant un prétendu contrefacteur, alors qu'aucune action judiciaire n'était en cours, ces faits caractérisent suffisamment des actes de concurrence déloyale et de dénigrement imputables à la société qui a adressé ces courriers.
 
 Les Renvois



[[1]]url:#_ftnref1 CA Paris, 4 nov. 1992 : Gaz. Pal. 1993, 2, somm. p. 354.
 
[[2]]url:#_ftnref2 CA Paris, 4e ch., 5 avr. 2006 : PIBD 2006, n° 832, III, p. 420 ; D. 2007, p. 342, J. Raynard.
 
[[3]]url:#_ftnref3 En matière de marque, il est permis de prélever, sur autorisation de l'ordonnance, des échantillons article 222 de la loi n°17-97modifié et complété par la loi n°31-05 relative à la propriété industrielle.
 
[[4]]url:#_ftnref4 CA Lyon, 20 mars 1972 : Ann. propr. ind. 1/1972, p. 148.
 
[[5]]url:#_ftnref5 Le 3  octobre  2011 , la Cour suprême porte une dénomination plus explicite: la Cour de   cassation.
 
[[6]]url:#_ftnref6 Bulletin des arrêts de la Cour de Cassation., Mai-Juin., 4èmepartie. p 53 et 54.
 
[[7]]url:#_ftnref7 CA Paris, 26 mars 1986 : Ann. propr. ind. 1988, p. 89.
 
[[8]]url:#_ftnref8 Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle afférents au Commerce., 15 décembre. 1993., article. 50, § 1°-b et § 2°.
 
[[9]]url:#_ftnref9 L’article 211, al. 1er. De la loi 17-97 relative à la propriété industrielle ; - Cass. req., 30 mai 1927 : Ann. propr. ind. 1928, p. 33. - CA Paris, 29 janv. 1965 : Ann. propr. ind. 1966, p. 19. - CA Paris, 26 nov. 1969 : Ann. propr. ind. 1969, p. 116.
 
[[10]]url:#_ftnref10 Accords ADPIC, l’article. 34., en matière de brevets de procédé: charge de la preuve., dispose que « 1. Aux fins de la procédure civile concernant l'atteinte aux droits du titulaire visés au paragraphe 1 b) de l'article 28, si l'objet du brevet est un procédé d'obtention d'un produit, les autorités judiciaires seront habilitées à ordonner au défendeur de prouver que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. En conséquence, les Membres disposeront, dans au moins une des situations ci-après, que tout produit identique fabriqué sans le consentement du titulaire du brevet sera, jusqu'à preuve du contraire, considéré comme ayant été obtenu par le procédé breveté:
a) le produit obtenu par le procédé breveté est nouveau;
b) la probabilité est grande que le produit identique a été obtenu par le procédé et le titulaire du brevet n'a pas pu, en dépit d'efforts raisonnables, déterminer quel procédé a été en fait utilisé.
2. Tout Membre sera libre de disposer que la charge de la preuve indiquée au paragraphe 1 incombera au prétendu contrevenant uniquement si la condition visée à l'alinéa a) est remplie ou uniquement si la condition visée à l'alinéa b) est remplie.
3. Lors de la présentation de la preuve du contraire, les intérêts légitimes des défendeurs pour la protection de leurs secrets de fabrication et de commerce seront pris en compte ».
 
[[11]]url:#_ftnref11 CA Paris, 20 nov. 1971 : PIBD 1972, n° 80, III, p. 102.
 
[[12]]url:#_ftnref12 TGI Paris, 23 févr. 1996 : PIBD 1996, n° 614, III, p. 378 et 379.
 
[[13]]url:#_ftnref13 TGI Paris, 8 mai 1973 : PIBD 1973, n° 109, III, p. 238 et 239. - TGI Paris, 11 juin 1987 : RD propr. ind. 1988, n° 15, p. 102.
 
[[14]]url:#_ftnref14 TGI Strasbourg, 5 févr. 1991 : Dossiers brevets 1991, I, 7 ; PIBD 1991, n° 501, III, p. 342.
 
[[15]]url:#_ftnref15 M.  JAOUHAR., « Perspectives de l’enseignement et de la recherche en droit pénal de la propriété industrielle », la revue de droit et d’économie de développement, N° 44, Casablanca 2001. p. 190.
 
[[16]]url:#_ftnref16 CA Paris, 3 févr. 1972 : PIBD 1972, n° 87, III, p. 209 et 210.
 
 
[[17]]url:#_ftnref17 L’article. 50-1°-b,  de l’accords ADPIC .
 
[[18]]url:#_ftnref18 Cass. com., 4 janv. 1985 : Ann. propr. ind. 1985, p. 237, note P. Mathély ; Dossiers brevets 1985, IV, 5 ; PIBD 1985, n° 373, III, p. 214 ; Bull. civ. IV, n° 9.
 
[[19]]url:#_ftnref19 CA Rouen, 9 juill. 1931 : Ann. propr. ind. 1933, p. 38.
 
[[20]]url:#_ftnref20 CA Paris, 13 mars 1996 : Ann. propr. ind. 1997, p. 27, 39 à 41 ; RD propr. intell. 1996, n° 65, p. 34, 40 et 41 ; PIBD 1996, n° 612, III, p. 299 et 304 ; Dossiers brevets 1996, III, 3.
[[21]]url:#_ftnref21 T. com. Lille, Ord. réf., 17 oct. 1996 : PIBD 1997, n° 625, III, p. 60 et 62.
 
[[22]]url:#_ftnref22 En ce sens, en matière de marques, CA Rouen, 27 févr. 1997 : Ann. propr. ind. 1997, p. 167 et 172 ; PIBD 1997, n° 631, III, p. 246 et 249 ; RD propr. intell. 1997, n° 74, p. 36 et 41 ; RIPIA 1997, p. 44 et 52. - En matière de logiciels et de droits d'auteur, CA Paris, 23 avr. 1990 : PIBD 1990, n° 482, III, p. 441 et 442.
 
[[23]]url:#_ftnref23 Cour de cassation., Ch Commerciale., arrêt n°674., dossier n°08-18.598., rendu en date du 7 juillet 2009.
 
[[24]]url:#_ftnref24 TGI Paris, 13 juill. 1988 : PIBD 446/1988, III, p. 583, exécution pour partie seulement. - TGI Paris, 18 mai 1999 : PIBD 690/2000, III, p. 31, saisie réelle pour partie seulement.
 
[[25]]url:#_ftnref25 TGI Lyon, 31 mai 1999 : RD propr. intell. 108/2000, p. 21 à 23 ; PIBD 685/1999, III, p. 439 ; Dossiers brevets 1999, II, p. 5.
 
[[26]]url:#_ftnref26 Voir  Dahir n° 1-06-23 du 15 moharrem 1427 (14 février 2006) portant promulgation de la loi n° 81-03 portant organisation de la profession d'huissier de justice.
 
[[27]]url:#_ftnref27 TGI Paris, 28 mai 1980 : PIBD 268/1980, III, p. 209.
 
[[28]]url:#_ftnref28 TGI Toulouse, 31 oct. 1996 : PIBD 626/1997, III, p. 90.
 
[[29]]url:#_ftnref29 L’article 41 portant organisation de la profession d'huissier de justice prévoit que «L'huissier de justice peut attacher à son bureau, sous sa responsabilité, un ou plusieurs clercs assermentés pour le suppléer dans les procédures relatives à la notification. Cet attachement s'effectue en vertu d'un contrat dont le modèle est fixé par arrêté du ministre de la justice.
 Le clerc assermenté prête devant le tribunal de première instance, dans le ressort duquel se trouve le bureau de l'huissier de justice, le serment légal prévu à l'article 10 ci-dessus, et ce après que le président du tribunal se soit assuré qu'il remplit les conditions prévues par la loi et recueillit l'avis du procureur du Roi à ce sujet.
Le président dudit tribunal informe ensuite le ministre de la justice ainsi que l'Ordre de l'attachement du clerc assermenté au bureau de l'huissier de justice.».
 
[[30]]url:#_ftnref30 TGI Paris, 29 mai 1987 : RIPIA 150/1987, p. 180, § 182, marque.
 
[[31]]url:#_ftnref31 F.D. VISSCHER., « la saisie description en Belgique : Etat des lieux et quelques réflexions pour l’avenir »., Contribution à la publication du Centre de Recherche en propriété intellectuelle sous le titre : combattre les atteintes à la propriété intellectuelle. Ed., Bruylant - Bruxelles., année 2004., p 39.
 
[[32]]url:#_ftnref32 Cour d'appel de commerce de Casablanca., arrêt n° 601/2001., n° du dossier auprès du tribunal de commerce de Casablanca 19/89/5., n° du dossier auprès de la Cour d’appel de commerce de Casablanca 2960/2000/11., rendu en date du 02/04/2001., inédit.
 
[[33]]url:#_ftnref33 TGI Paris, réf., 22 déc. 1989 : PIBD 1990, III, p. 134 "le saisissant doit avoir accès à tous les documents susceptibles de contribuer à la preuve de la contrefaçon mais à ceux-là seulement, le saisi ne peut interdire l'accès de certains documents sous prétexte de confidentialité".
 
[[34]]url:#_ftnref34 TGI Paris, 25 oct. 1990 : PIBD 1991, III, p. 79, "devant le silence de la loi, il convient de dire que l'assignation en contrefaçon vaut signification régulière du procès-verbal de saisie". - CA Paris, 14 mars 1991, préc. n° 26.
 
[[35]]url:#_ftnref35 CA Paris, 9 juin 1993 : PIBD 553/1993, III, p. 627. - TGI Paris, 25 juin 2002 : PIBD 761/2003, III, p. 179, mention dans le procès-verbal de l'interruption des opérations. - Contra TGI Paris, 1er juin 1988 : PIBD, 443/1988, III, p. 479, absence de mention de continuation.
 
[[36]]url:#_ftnref36 TGI Paris, 12 mars 1993 : PIBD 1993, III, p. 450, "une saisie descriptive ne saurait être déclarée nulle au motif qu'elle n'a pas été suivie d'assignation dans les délais". - V. aussi TGI Paris, 25 mars 1988 : PIBD 440/1988, III, p. 385, nullité de la saisie au motif de la saisine d'un tribunal incompétent. - Et aussi, CA Paris, 14 janv. 1985 : Ann. propr. ind. 1986, p. 75, nullité de la saisie au motif d'une assignation nulle. - Contra, Cass. crim., 29 févr. 2000 : Juris-Data n° 2000-001421, validité de l'assignation malgré saisine dans le délai de quinzaine du juge d'instruction incompétent. - Cass. com., 8 févr. 2000 : PIBD 701/2000, III, p. 338, nullité de la saisie réelle pour défaut d'assignation. - CA Paris, 13 oct. 2000 : Juris-Data n° 2000-129011 ; PIBD 717/2001, III, p. 166, assignation au-delà du délai légal, nullité de la saisie réelle mais validité de la saisie descriptive.
 
[[37]]url:#_ftnref37 CA Paris, 28 nov. 1978 : Ann. propr. ind. 1978, p. 60.
 
[[38]]url:#_ftnref38 T. com. Limoges, 23 sept. 1985 : PIBD 1986, III, p. 70.
 
[[39]]url:#_ftnref39 Non-respect par l'huissier des termes de l'ordonnance, V. CA Paris, 4 nov. 1992 : PIBD 1993, III, p. 111, l'huissier outrepasse sa mission, utilisation par l'huissier d'un document non autorisé par l'ordonnance. - V. aussi TGI Paris, 28 mai 1980 : PIBD 268/1980, III, p. 209, expert non autorisé. - TGI Paris, 29 oct. 1984 : PIBD 375/1985, III, p. 256, saisie dans des locaux non autorisés. - TGI Paris, 25 juin 2002 : PIBD 761/2003, III, p. 179, demande rejetée pour prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon au motif que sa rédaction rend impossible la distinction entre les constatations personnelles de l'huissier et celles qui lui ont été dictées par l'expert qui l'assistait.
 
[[40]]url:#_ftnref40 CA Paris, 4 avr. 1991 : PIBD 1991, III, p. 521, irrecevabilité à soulever une nullité pour la première fois en appel.
 
[[41]]url:#_ftnref41 Nullité de la saisie réelle mais non de la saisie descriptive : les articles 211 et 222 de la loi n°17-97 modifiée et complétée par la loi n°31-05 relative a la propriété industrielle..
 
[[42]]url:#_ftnref42 Cass. com., 3 mai 1978 : Ann. propr. ind. 1979, p. 268, intention de nuire. - TGI Paris, 28 nov. 1986 : PIBD 1987, III, p. 132, existence d'un préjudice commercial. - CA Paris, 19 juin 1990 : RD propr. intell. 1991, n° 32, p. 49, atteinte à la réputation. - CA Paris, 27 nov. 2003 : PIBD 763/2003, III, p. 234, caractère non abusif et non vexatoire des saisies, au jour des saisies, le titulaire du brevet a pu de bonne foi se méprendre sur la validité de son brevet et n'a pas commis d'abus de droit.
 
   



الثلاثاء 26 فبراير 2013

عناوين أخرى
< >

الثلاثاء 26 مارس 2024 - 18:55 Au fil de l’eau : l'innovation hydrique au Maroc


تعليق جديد
Twitter