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L’enjeu environnemental à l’aube du XXI siècle : Le cas des ports maritimes au Maroc

     

Par Dr. NAJIH Nabil, Université de Perpignan Via Domitia,
Chercheur en droit maritime et portuaire.



L’enjeu environnemental à l’aube du XXI siècle :  Le cas des ports maritimes au Maroc




INTRODUCTION


Les ports et les activités qui leur sont associées ont un impact potentiel considérable sur l'environnement : les installations portuaires sont essentiellement situées sur des zones proches du littoral, ce dernier est inclus dans le domaine public maritime naturel dont les dépendances sont des espaces qui méritent d’être protégés en raison des richesses qu’ils comportent et des multiples utilisations qu’ils offrent .

En effet, un port maritime peut être une source de pollution tellurique quand il rejette des déchets industriels ou de pollution pélagique d’origine maritime causée par les navires fréquentant le port . Le développement des activités portuaires entraîne la réalisation d’aménagements importants susceptibles de porter atteinte à l’environnement et par conséquent deviennent à leur tour une source de pollution, comme les activités de transport dues aux engins transporteurs ou aux matières transportées comme les hydrocarbures ou bien encore les activités de travaux publics sur le littoral comme les dragages et immersion des boues de dragage.

Pour gérer l’environnement parallèlement aux activités diverses des ports et du transport par eau, une approche structurée de gestion de l’environnement dans une optique de développement durable apparaît indispensable. Le présent article se propose donc de répondre aux questions relatives aux instruments juridiques et institutionnels mis en place, afin de protéger l’environnement des facteurs de détérioration émanant des ports et ceux relatifs aux activités portuaires (I), il se propose aussi de montrer le cadre conventionnel et le degré d’implication du Maroc dans les efforts déployés à l’échelle internationale en matière de protection de l’environnement (II). Enfin, nous porterons un éclairage sur l’état des lieux des ports maritimes au Maroc, quand à leur adaptabilité aux exigences internationales en matière environnementale et les efforts des autorités portuaires marocaines en la matière, surtout, après l’entrée en vigueur de loi 15-02 qui insiste dans son préambule sur l’importance de la question environnementale (III).

I - LES MOYENS JURIDIQUES ET INSTITUTIONNELS MIS EN PLACE POUR LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

Depuis 1992, la plupart des pays du monde ont décidé de fonder leurs politiques nationales d'environnement sur le concept de développement durable. Ce dernier, constitue avec d’autres, les « grands principes » destinés à fonder les dispositifs ultérieurs de droit positif : ainsi la notion de développement durable, le principe pollueur-payeur ou encore le « Versorgeprinzip » (principe de précaution) inventé en Allemagne au début des années soixante-dix se voient reprises et transposés dans la plupart des législations, nationales ou internationales liées à l’environnement, comme la conférence de Londres de 1987 sur les déchets ou la conférence de Rio en 1992. Le législateur marocain a rejoint cette dynamique à travers un ensemble de textes juridiques, comme le décret sur la réparation et la lutte contre les pollutions marines accidentelles , la loi 10-95 du 16 août 1995 sur « l’eau » dont le chapitre VI traite de « la lutte contre la pollution des eaux », la loi 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement ou encore la loi 15-02 relative aux ports.

Ici, nous n’allons pas énumérer les textes juridiques liés à l’environnement de bout en bout par contre nous allons porter une attention particulière sur la loi 12-03 relative aux études d’impact sur l’environnement, qui constitue le moyen principale d’intervention étatique en matière environnementale, ainsi que la loi 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement et finalement la loi 15-02 relative aux ports (1), avant d’examiner dans un deuxième point les institutions de gouvernance marocaines de l’environnement marin (2).

1 - L’ENVIRONNEMENT COMME OBJET D’ACTION PUBLIQUE


Nous allons distinguer entre deux phases essentielles : la première phase précède le début des travaux de réalisation de l’infrastructure portuaire. C’est à cette étape qu’intervient l’étude d’impact sur l’environnement (A) la deuxième phase comprends le début de la construction du port et son entrée en fonction, elle annonce le début de l’accueil des navires et le commencement des activités portuaires comme le chargement, le déchargement, le remorquage, etc.

A- LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT AVANT LE DÉBUT DES TRAVAUX DE CONSTRUCTION DU PORT : LES ÉTUDES D’IMPACT.


Selon la loi marocaine n° 12-03 relative aux études d’impact sur l’environnement , de telles études permettent : l’évaluation des effets directs et indirects pouvant atteindre l’environnement à court, moyen et long terme suite à la réalisation d’un projet économique ou à la mise en place des infrastructures de bases, ainsi que la détermination des mesures pour supprimer, atténuer ou compenser les impacts négatifs et améliorer les effets positifs du projet pour l’environnement. En effet, tout opérateur portuaire doit porter une attention particulière à ladite loi ; celle-ci conditionne certains projets, comme ceux liés à l’infrastructure portuaire.

L’article premier de cette loi précise la méthode à suivre pour détecter et analyser les répercussions éventuelles du projet sur l’environnement et les « termes de références » définissant les aspects et exigences environnementaux importants devant être pris en considération lors de l’élaboration de l’étude d’impact (alinéa 7) . Quant aux frais de réalisation de l’E.I.E., c’est le promoteur du projet qui doit les supporter (article 13). A cet effet, deux entités administratives sont chargées de l’application des études d’impact sur l’environnement :

a- Le comité national des études d’impact sur l’environnement


La présidence et le secrétariat du comité national des études d’impact sur l’environnement sont assurés par l’autorité gouvernementale chargée de l’environnement et comprend en qualité de membres permanents les représentants des administrations publiques qui sont particulièrement concernées par la problématique de la protection de l’environnement . Cette instance examine les études d’impact des projets dont le seuil d’investissement est supérieur à 200.000.000 dh ainsi que les projets transfrontalier ou dont la réalisation concerne plus d’une région du Maroc quel que soit le montant de l’investissement et donne son avis sur l’acceptabilité environnementale des projets.

b- Les comités régionaux des études d’impact sur l’environnement


Dans chaque région du Maroc est créé un comité régional présidé par le Wali de la région devant abriter le projet et comprend des représentants régionaux des administrations concernées par la problématique de la protection de l’environnement. Ces comités examinent les études d’impact des projets dont le montant est inférieur ou égal à 200.000.000 dh et donnent leurs avis sur l’acceptabilité environnementale des projets. Quant au secrétariat permanent du comité national et des comités régionaux, il se penche sur l’enregistrement des études d’impact, établit les rapports des réunions et un rapport annuel.

Chaque projet soumis à l’étude d’impact sur l’environnement donne lieu à une enquête publique. Une fois l’étude réalisée, le ministre chargé de l’environnement prononce une décision d’acceptabilité environnementale en se conformant à l’avis d’un comité national chargé d’instruire les E.I.E. .

Finalement, il faut préciser que tout projet ayant été jugé acceptable et qui n’est pas réalisé dans un délai de cinq années à compter de la date de la décision doit faire l’objet d’une nouvelle étude d’impact sur l’environnement. Par ailleurs, il est à noter que la direction de l’aménagement du territoire jouit d’un rôle consultatif lors des commissions chargées d’étudier des projets d’investissement. Elle vérifie leur pertinence en fonction, entre autres, de la gestion des ressources naturelles et de la capacité d’un espace (le littoral, par exemple) à supporter un projet compte tenu de ses conséquences environnementales.

B- LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT LORS DE LA CONSTRUCTION DU PORT ET LE DÉBUT DES ACTIVITÉS PORTUAIRES.


a- La portée de la loi relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement


Cette loi rappelle dans son article 2 l’importance du développement durable, la prise en compte de l’environnement dans l’élaboration et l’exécution des plans d’aménagement du territoire ainsi que son intégration dans la politique économique, sociale et culturelle. La loi donne la liste des différentes ressources naturelles (l’eau continentale, air, etc.), des espaces (littoral, aires marines, forêts, etc.) à préserver et mentionne la nécessité de gérer rationnellement la faune, la flore et la biodiversité .

Elle définit aussi les diverses pollutions et nuisances (les déchets, les rejets liquides et gazeux, etc.) à prendre en compte. Elle instaure, en outre, des instruments de gestion et de protection de l’environnement ainsi que des dispositions fixant des normes et standards nécessaires au maintien de la qualité de l’environnement.

Le mérite de cette loi tient au régime spécial de responsabilité civile qu’elle a créé. Ledit régime oblige chaque personne physique ou morale stockant, transportant ou utilisant des hydrocarbures ou des substances nocives et dangereuses ou tout exploitant d’une installation classée, ayant causé un préjudice, à dédommager la victime.

Par ailleurs, l’administration peut imposer au contrevenant de mettre en l’état l’environnement lorsque cela est possible et cela même si la dégradation ne résulte pas d’une infraction aux dispositions de la loi. En revanche, une certaine tolérance est prévue dans la mesure où l’autorité compétente, en relation s’il y a lieu avec l’autorité chargée de l’environnement, est autorisée à transiger avec le contrevenant et fixe alors les modalités et les dates de l’exécution.

Enfin, lorsque le dommage causé est consécutif à l’émission ou au rejet d’une matière, d’un son, d’une vibration, d’un rayonnement, d’une chaleur ou d’une odeur, ayant porté atteinte à la santé de la victime ou à l’intégrité de ses biens, celle-ci peut dans un délai de quatre vingt dix jours après la constatation des dommages, demander à l’administration d’entreprendre une enquête.

L’article 77 liste ensuite les agents habilités à mener ladite enquête, ceux-ci dressent un procès-verbal qu’ils adressent au tribunal compétent et au gouverneur de la préfecture ou de la province concernée.

b - L’apport de la loi 15 02 relative aux ports


Dans le préambule de la loi 15-02 le législateur marocain a exprimé sa préoccupation pour la question de l’environnement en affirmant que « le secteur portuaire doit s’adapter, d’une part, aux mutations économiques caractérisées par des exigences de développement internes au pays…et, d’autre part, aux nouvelles contraintes et évolutions économiques, institutionnelles, technologiques et environnementales et du transport maritime ». C’est la méthode dite de gestion intégrée.

Cette préoccupation trouvera sa formulation dans la loi 15-02 qui va doter l’ANP d’outils juridiques afin de prendre les mesures nécessaires à l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à la sécurité, à la santé, à la sûreté et à la protection de l’environnement au sein du port , à travers un règlement d’exploitation établi et approuvé par l’ANP. En plus de ce moyen juridique, un plan d’aménagement interne de chaque port doit fixer une zone spéciale réservée au stockage des produits dangereux et une zone réservée à la réception, à la collecte et au stockage des déchets résultant des activités maritimes et portuaires14.

Nous avons vu qu’il existait une multitude de textes juridiques tendant à assurer la protection de l’environnement, toutefois il serait illusoire de penser que cet arsenal juridique peut prévoir toutes les hypothèses de nuisances et de leurs effets, dès lors, une définition claire des objectifs à atteindre semble préférable à une multiplication des textes et procédures.

2- LES INSTITUTIONS DE GOUVERNANCE DE L’ENVIRONNEMENT MARIN


Au Maroc, la production normative classique, législative et réglementaire relative à la protection de l’environnement des facteurs de détérioration liés aux ports et ses activités connexes, est caractérisée par la dispersion et le chevauchement qui résultent d’une intervention sectorielle émiettée.

Il s’agit notamment des départements ministériels, d’établissements publics, semi-publics et privés. Si cette diversité permet une certaine spécialisation dans le management et surtout une vision macro-économique qui répond en quelque sorte à la multidisciplinarité du champ d’action, elle présente aussi une série de désavantages qui se caractérisent par la dispersion des efforts et parfois le manque d’harmonie dans la prise de décision.

Toutefois, on peut dire que la tâche de la gestion de l’environnement marin au Maroc est essentiellement supportée par les autorités gouvernementales chargées de l’agriculture , des eaux et forêts , des pêches maritimes , de l’équipement et de l’environnement . D’autres départements restent concernés par ce domaine, notamment l’autorité charge-t-elle ceux des Affaires étrangères et de la Coopération , celles du Commerce et de l’Industrie, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ou encore le ministère du Tourisme.

En plus des départements ministériels, il existe des administrations de contrôle et de lutte contre les risques de dégradation du milieu marin. A ce titre les unités de la Marine royale, de la gendarmerie royale, de la protection civile, des ingénieurs et gardes forestiers et des douaniers, s’intègrent naturellement dans le tissu des responsabilités qui incombent à tout un chacun pour une meilleure exploitation des espaces aquatiques marins. Ainsi, de par les actions qu’ils mènent en matière de surveillance du littoral, des opérations de patrouille de la zone économique exclusive, du contrôle de la pêche fluviale ou encore par les activités de garde-frontières, ces différents organismes s’efforcent-ils pour prévenir et dissuader toutes les actions pouvant engendrer une quelconque érosion des composantes du milieu marin national ou provoquer des catastrophes naturelles ou accidentelles.

Enfin, une troisième catégorie d’institutions joue un rôle d’expertise et de consultation dans le domaine lié à l’environnement marin. En principe, libres des contraintes administratives et pressions politiques, ces organes consultatifs constituent un terrain de discussions qui ne prennent en compte que les seuls paramètres technico-scientifiques. L’Institut national de la
recherche halieutique (I.N.R.H.) , la commission du littoral et le conseil national pour l’environnement (C.N.E.) forment les instances les plus sollicitées en la matière.

II- L’ENGAGEMENT INTERNATIONAL DU MAROC EN MATIÈRE DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT MARIN


Depuis le début des années 1970 le problème que constitue la gestion d’un port et des voies d’eau associées compatibles avec la conservation et l’amélioration de l’environnement en évitant toute dégradation au sein du port et dans les accès à celui-ci est devenu une préoccupation mondiale. Il en est résulté une série de conventions sans cesse mises à jour et élaborées, essentiellement sur une base scientifique.

Pourtant, les normes de mises en œuvre pour la gestion environnementale des ports et des activités connexes dans une région du monde ne sont pas nécessairement applicables, adéquates ou réalisables dans d’autres régions. Une législation mise en œuvre dans un pays pour traduire une convention peut avoir peu de pertinence globale dans un autre pays et, parfois, ne pas même s’y avérer applicable. Des considérations relatives, notamment, aux technologies disponibles, aux différences qui existent dans le monde, à la nature de chaque pays, à son économie et à ses modalités de vie collective, doivent faire l’objet de débats équilibrés. A cet égard, il faut saluer l’excellent travail de l’A.I.P.C.N. qui a construit un cadre générique décrivant une gestion environnementale des ports et des activités connexes applicable à tout niveau jugé adéquat dans tout pays particulier, mais jugé suffisamment détaillé pour être utile aux organisations souveraines de se conformer à la norme ISO 14 001 de gestion de l’environnement.

Cette association se veut compétente en matière de conventions qui établissent les « règles » régissant les législations nationales. Cet apport de connaissances professionnelles de la part de l’industrie portuaire contribuerait à éviter des législations dont la mise en œuvre est impossible et, ainsi, à permettre le respect des conventions partout dans le monde. Aussi l’A.I.P.C.N. prône-t-elle l’instauration d’un dialogue continu entre l’industrie, les pouvoirs législatifs et réglementaires, les O.N.G. et les autres centres d’intérêt.

Concernant le cas du Maroc, plusieurs conventions relatives à la protection de l’environnement marin ont été signées et ratifiées . Toutefois, le pays n’a pas toujours repris dans la législation nationale les dispositions des instruments internationaux.

1- LES ACCORDS PORTANTS SUR LA MER MEDITERRANÉE


Au niveau méditerranéen la convention de Barcelone du 16 février 1976 pour la protection de la mer Méditerranée contre la pollution, entrée en vigueur le 12 février 1978 a été ratifiée par le Maroc le 15 février 1980. Selon cette convention les parties doivent prendre les mesures appropriées pour lutter contre les déversements provenant des cours d’eaux, des établissements côtiers ou d’autres sources telluriques relevant de leur juridiction et sont appelées à coopérer et à prendre les mesures nécessaires qui sont à même de permettre de faire face aux cas d’urgence de pollution (articles 9 de la convention de Barcelone) notamment en matière de surveillance et de recherche scientifique et technique .

Enfin, la convention incite les parties à établir des procédures pour déterminer la responsabilité et la compensation en matière de dommage résultant de la violation des dispositions de la convention . En plus de la convention de Barcelone le Maroc a ratifié plusieurs protocoles relatifs à la protection des côtes méditerranéennes .

2- LES CONVENTIONS DE PROTECTION DE L’OCEAN ATLANTIQUE


En ce qui concerne la côte Atlantique, on peut citer l’accord de coopération pour la protection des côtes et des eaux de l’Atlantique du nord-est contre la pollution, signé à Lisbonne le 17 octobre 1990. Aux termes de cet accord les parties sont appelées à mettre sur place un volume minimal de matériel en des points prédéterminés de manière à pouvoir faire face à des déversements d’hydrocarbures ou toute autre substance nocive, ainsi qu’un système de prévention et de lutte contre les incidents de pollution en mer.

En tant que pays maghrébin, le Maroc a signé la charte maghrébine relative à la protection de l’environnement et du développement durable à Nouakchott, le 11 novembre 1992. La présente charte est constituée de six parties, respectivement consacrées aux orientations générales, aux orientations sectorielles, à l’éducation, la sensibilisation environnementale, la formation et la recherche scientifique, à la lutte contre les catastrophes environnementales urgentes, à la consolidation de la coopération internationale, et aux dispositions générales.

La charte souligne le droit de toute personne à vivre dans un environnement sain et équilibré en appelant à l’intégration de la composante environnementale dans les politiques de développement économiques et socioculturels.

Les autorités portuaires marocaines sont vivement invitées à un engagement actif, international, à l’égard d’une saine gestion de l’environnement, susceptible de minimiser les impacts défavorables sur celui-ci tout en assurant des aires de travail dans le port à la fois propres et efficaces.

III- LA GESTION ENVIRONNEMENTALE AU TEMPS DU DOMMAGE ECOLOGIQUE


Ressources humaines et naturelles ; esthétique ; qualité de l’eau et des sédiments ; dragage d’investissement, d’entretien et d’assainissement ; production et évacuation des déchets (à terre et à partir de navires) ; qualité de l’air (y compris odeurs) ; bruits et vibrations ; éclairage, etc. Cette liste non exhaustive dressée par L’AIPCN, montre les différentes catégories qui puissent être une source de pollution dans les ports, celles-ci varient de pays en pays et de port en port en fonction des activités spécifiques des divers problèmes d’environnement qui varient d’une région à l’autre du monde. Quel serait donc l’état des ports au Maroc ?

1 – ETAT DES LIEUX DES PORTS MARITIMES MAROCAINS


Le territoire maritime marocain s’étend sur 2854 kilomètres. Les divers milieux physiques y sont représentés : plages, dunes, falaises, lagunes, vasières, mangroves, sebkha, etc. Le littoral atlantique concentre les principales agglomérations et la majorité des activités économiques. Ces activités engendrent un phénomène de littoralisation, ainsi on peut enregistrer une densité moyenne de 162 habitants par Km2 entre Kenitra et Casablanca. La population urbaine du littoral atlantique n’a cessé de croître depuis le début du siècle. Elle représentait 19,4% en 1936, de nos jours le taux d’urbanisation atteindrait 58%. Environ 10 000 tonnes de matières oxydables seraient rejetées sur les côtes. Les rejets de matières seraient répartis comme suit : 58% dans les cours d’eau ; 31% dans la mer ; 11% dans le sol et le sous-sol .

A- LES TYPES DE DOMMAGES LIÉS À L’ENVIRONNEMENT


La presse marocaine s’arrête quasiment chaque jour sur des cas de destruction des dunes côtières au profit des projets immobiliers ou d’exploitation des sables en tant que matériaux de construction , cela a fait disparaître la réserve des sédiments nécessaire à l’équilibre des côtes. Ce phénomène est accentué par le fait que les grands fleuves ne fournissent que peu de matériaux. Les menaces dans ce domaine ont atteint des niveaux inquiétants puisque certaines parties du littoral marocain ont subi une exploitation à outrance qui a entraîné des déséquilibres manifestes .

Concernant les activités industrielles du pays, 80% de celles-ci ont préféré les zones aménagées près du rivage à celles continentales : les industries chimiques à Safi et Jorf Lasfar, celles pétrochimiques à Mohammedia et Casablanca, sidérurgiques à Nador et enfin alimentaires à Kénitra et Agadir.

En plus des facteurs telluriques de détérioration du littoral et des côtes marocaines, s’ajoutent des facteurs d’origine marine comme le trafic maritime et les ouvrages portuaires. En ce qui concerne le trafic maritime, 60% du trafic maritime mondial passe à proximité des côtes marocaines, notamment entre les Açores et Gibraltar. En moyenne, 160 navires croisent chaque jour le couloir international du détroit de Gibraltar, dont une bonne partie est constituée de navires transportant des hydrocarbures et des substances dangereuses et nocives .

Quant aux ouvrages portuaires, certaines réalisations ont été faites au détriment de l’environnement naturel des sites choisis . C’est le cas du port d’Agadir dont la construction a provoqué une érosion forte d’une partie de la plage d’Agadir (Lahouar-tildi) : La jetée bloque la dérive nord-sud et des accumulations ont lieu à l’ouest de cette jetée. L’extension du port d’Anza à Agadir a provoqué l’extension de l’érosion au sud de Lahouar.

La concentration des activités portuaires sur le domaine public maritime a donc des conséquences nocives sur le littoral. En effet, les différents rejets qui sont effectués chaque jour dans les bassins portuaires constituent une source non négligeable de pollution du milieu marin. Dans un récent rapport de la cour des comptes et sur la base d’un état produit par l’Agence nationale des ports, 29 rejets polluants ont été recensés à l’intérieur de certains ports (Tanger, Jorf Lasfar, El Hoceima, M’diq et Larache). Par ailleurs, il a été constaté que des eaux usées sont déversées en quantités importantes à proximité du port de Casablanca (à 20 m de la jetée Moulay Slimane). Les dimensions du collecteur (2,5 m de hauteur * 3,2 m de largeur) témoignent de l’importance du rejet. Ceci constitue une nuisance à l’environnement du port et peut également être un facteur d’envasement.

La Cour des comptes a relevé également que l’ANP n’a pas achevé le traitement des émanations gazeuses nocives (sulfure d’hydrogène) au quai 60 du port de Casablanca, alors que la découverte de ces émanations remonte aux années 1990 et que la durée prévue de traitement selon une étude réalisée en 1998 ne doit pas dépasser 27 mois! Pour le traitement d’émanations gazeuses au port de Casablanca, l’ANP a réalisé une nouvelle étude en 2009 et a programmé l’achat d’une machine de traitement de H2S qui sera livrée, selon l’ANP au courant du premier trimestre 2012 .


Un autre problème écologique se pose au sein du port de Casablanca, est celui du rejet des eaux usées de la LYDEC, selon l’ANP ledit rejet se trouve à l’extérieur du domaine portuaire (au-delà de la jetée transversale), donc en dehors du périmètre d’intervention de celle-ci. L’agence confirme que la LYDEC a réalisé une étude d’impact en décembre 1999 qui a démontré que : « L’écoulement des lâchers n’atteint pas l’entrée du port de Casablanca puisqu’il se dirige en général vers le large (cas sans houle ou vers la côte avoisinante (cas de forte hauteur de houle)». Pour l’ANP, les ports subissent cet état de fait, qui fait intervenir les régies locales ou les concessionnaires délégués chargés de l’assainissement des villes et qui ont plusieurs réseaux qui rejettent des eaux polluées dans les bassins portuaires.

Dans ses réponses aux observations de la cour des comptes, l’Agence Nationale des Ports confirme aussi, avoir lancé une étude qui va permettre de dresser un état de la qualité physico-chimique et microbiologique des eaux et des sédiments dans les bassins portuaires du royaume. En cas de sa réalisation, nous aurons une référence, qui nous permettra d’avoir une idée scientifique sur l’état des eaux dans nos ports et par conséquent penser aux moyens et procédures afin d’améliorer leurs situation.

Il est à signaler que l’activité de la pêche est également à l’origine d’impacts environnementaux dus aux rejets et vidanges d’hydrocarbures liquides, huiles usées, boues mazoutées et eaux de cales des bateaux qui altèrent l’environnement marin et contribuent à la dégradation des eaux de la baie .

Ce survol rapide des cas de dommages environnementaux montre, que les facteurs telluriques sont en majorité responsables de l’état de pollution que connaissent les ports marocains. Face à cette situation, le gouvernement a élaboré une stratégie nationale orientée essentiellement vers la prévention à travers l’aménagement du territoire et l’incitation au respect de l’environnement, en attribuant un certificat de conformité pour les entreprises ayant un système de management environnemental conforme à la norme NM ISO 14001.

B- LA STRATEGIE GOUVERNEMENTALE DANS LE DOMAINE DE LA PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT.


Afin de sensibiliser les différents acteurs de l’importance de la question environnementale et pour renforcer la culture du management environnemental, le service de normalisation industrielle marocaine du ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Energie et des Mines a fixé dans une circulaire les modalités pratiques d’attribution du certificat de conformité d’un système de management environnemental (S.M.E) à la norme marocaine NM ISO 14001 . Il est à noter que cette norme est identique à la norme internationale ISO 14001 . Ce certificat s’applique à une entreprise productrice d’une catégorie de biens ou de services, pour une activité donnée, réalisée sur un ou plusieurs sites, dans le cadre d’un même S.M.E. Les activités et sites sont précisés par l’entreprise au moment de sa demande et sont décrits dans le certificat .

L’usage du certificat de conformité relatif au SME est strictement limité aux domaines d’activités et sites pour lesquels il a été accordé. En plus, le titulaire ne doit faire usage du logo relatif à la certification NM ISO 14001 dans les documents commerciaux (confirmation de commande, bordereau de livraison, facture, dépliant publicitaire…) que pour les domaines d’activités et sites certifiés et ceci sans qu’il existe un quelconque risque de confusion avec toute autre certification . Il est à noter que, la société de dragage portuaire DRAPOR a obtenu en 2007 la certification ISO 14001 pour sa plate forme d’exploitation du sable de dragage à Mehdia (prés de Kénitra) qui fourni 2000m3 de sable par jour . Aussi, et afin d’atteindre les objectifs portuaires à l’horizon 2030, le gouvernement a inclut dans ses axes stratégiques, celui de l’environnement et vise à travers celui-ci, l’intégration des objectifs environnementaux et urbains dès la phase de conception des projets d’investissements. Ainsi l’autorité portuaire insiste sur la réduction de l’impact environnemental des ports en externalisant certains flux et trafics sur des ports hors milieu urbain et en positionnant les nouveaux ports dans des sites favorables. C’est le cas notamment de Mohammedia qui verra l’externalisation de son port historique intérieur, inadapté aux conditions modernes du trafic maritime et traitant des produits dangereux à proximité du centre ville.

2- Le dommage environnemental et le système de responsabilité


Une distinction doit être faite entre le dommage de pollution et le dommage écologique, le premier affecte un patrimoine identifiable et particulier, le second concerne le milieu naturel dans ses éléments inappropriés. D’un coté le préjudice aux personnes, aux biens, aux activités ; de l’autre, l’atteinte à la diversité biologique, à la qualité des eaux souterraines et à l’équilibre du climat. Il faut avouer que ce deuxième type de préjudice reste difficile à cerner et à représenter en justice. Ainsi, la plus progressiste des lois comme celle de l’Allemagne, ne prends le dommage écologique en compte que dans la mesure où il est lié à l’atteinte à une propriété privée .

D’une manière générale, l’augmentation des cas d’infractions liées à l’environnement nous pose devant le problème de l’efficacité de notre système juridique, face à une délinquance écologique généralement impunie. La difficulté de la poursuite pénale de ce type de délinquance tient surtout à des raisons économiques. En effet, l’Etat préfère la conformité à la sanction dissuasive et voit dans les mesures répressives, une sorte de contrainte pouvant défavoriser le climat d’investissement. D’où l’importance de certaines solutions intermédiaires qui conduisent à l’organisation de fonds d’indemnisation alimentés par voie de contributions perçues auprès des opérateurs du secteur concerné ex : (les transporteurs des hydrocarbures) ou par voie de redevances établies sur certaines activités portuaires. Toutefois, le gouvernement marocain a adopté en 2011 une loi nº 10-11 modifiant et complétant l’article 517 du code pénal , en vertu duquel, est sanctionnée pénalement tout vol de sables dans les plages et dans les dunes du littoral.
À cette responsabilisation par la prévention s’ajoute une forme plus classique de responsabilité, facilement transposables aux dommages de pollution et dont l’assise est la faute.

En effet le doit civil marocain dispose dans l’article 77 du Dahir des obligations et des contrats que « tout fait quelconque de l'homme qui sans l'autorité de la loi, cause sciemment et volontairement à autrui un préjudice est tenu à réparer ledit-dommage lorsqu'il est établi que ce fait en est la cause directe ... » lorsque ces trois éléments de la responsabilité sont réunies, c’est à dire une faute, un dommage et un lien de causalité entre celui-ci et celui-là, le juge doit ordonner la réparation à la charge de l’auteur du préjudice. Pour dégager sa responsabilité le défendeur peut invoquer, un fait justificatif tels la force majeur ou l’état de nécessité. Une fois la faute établie et le fautif identifié ; il faut ensuite établir un lien de causalité entre cette faute et le préjudice, enfin vient le troisième élément, l’établissement du dommage. Pour être pris en compte par le juge, le dommage doit être certain, la certitude du dommage suppose aussi la possibilité de l’évaluer. Le dommage doit être aussi actuel et non éventuel.

Il reste que la meilleure politique de l’environnement consiste à éviter, dès l’origine, la création de pollution ou de nuisances, cette politique trouvera une formulation juridique lors de la réforme portuaire marocaine, à travers un règlement d’exploitation établi par l’ANP qui lui permet de prendre les mesures nécessaires à l’application des dispositions législatives et réglementaires relatives à…la protection de l’environnement au sein du port . Au niveau européen le traité de Maastricht insiste à son tour sur les principes de précaution et d’action préventive et sur le principe du pollueur-payeur.


Conclusion


Dans son ouvrage intitulé droit et administration de l’environnement, Raphael Romi pointe du doigt le vrai problème de l’environnement, qui est plutôt d’ordre éthique, et affirme que les rapports de l’homme à la nature sont devenus dramatiques par absence de responsabilisation plus que par absence de législation. Cette dernière peut devenir en cas de son inflation une source d’insécurité juridique. Dans ce sens et à l’instar de beaucoup de pays, le Maroc doit profiter des vertus de la codification et élaborer un code de l’environnement moderne, maniable, et adapté aux structures existantes, afin de créer un climat de confiance et de sécurité juridique à travers le respect des principes de transparence, notamment celui de consultation et de participation du public.

Aussi, et eu égard à la grande variété de problèmes liés à l’environnement qui peuvent être présents dans les ports et dans les industries associées, un audit est fortement recommandé pour mesurer les résultats acquis en matière de gestion de l’environnement. Ainsi, les conclusions seront utilisées pour évaluer la mesure dans laquelle les objectifs en matière d’environnement préalablement fixés ont été atteints. Ces résultats peuvent être utilisés en retour par les responsables de la gestion afin de leur permettre d’améliorer les procédures et les actions visant à atteindre les objectifs établis ou à en créer de nouvelles pour améliorer l’environnement général. L’audit devra probablement être mené à bien par une série de spécialistes sollicités à cette fin par l’équipe de gestion de l’environnement.

BIBLIOGRAPHIE


Ouvrages et revues spécialisées
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R. Rézenthel, La loi littorale et les ports maritimes, RFDA, septembre-octobre, 1986, p. 706.

C. COMTOIS et B. SLACK, Innover l’autorité portuaire au 21e siècle : un nouvel agenda de gouvernance, Les Cahiers Scientifiques du Transport, Montréal, n°44, 2003, p 11-24.

R. Rézenthel, Les ports maritimes et la protection de l'environnement, Revue Navigation, ports et industrie, 1993, p. 425 et 522.

R. Rézenthel, Les voies portuaires, Annuaire voirie et environnement. 2000, n° 54, p. 12.

Thèses et mémoires
S. AZIBOU, Responsabilités en matière d’activités portuaires au Maroc, Lille, 1995.

L. CHARROUF, Problèmes d’ensablement des ports marocains sur la façade atlantique : leur impact sedimentologique sur le littoral, Paris 11, 1989.

A. HACHIM, Administration et exploitation du port de Casablanca, Nantes, 1991.

Z. HAFFANI, Ports maritimes et concurrence, Nice, 2002.

A. HASSAN, Le complexe industrialo-portuaire de Jorf-lasfar (Maroc) ; une comparaison avec la Z.I.P. de Fos sur Mer (France), Aix-Marseille I, 1996.

N. NAJIH, le régime de gestion et d’exploitation portuaire au Maroc ; Étude des aspects juridique et économique des ports de commerce, Perpignan, 2008.
M. AJANA, Direction d’exploitation du port de Tanger, DEA., Perpignan 2005.
M. AKHDI, La pollution maritime par les hydrocarbures et le droit marocain, Master II, Perpignan, 2006.

Rapports et colloques

Rapport de la cour des comptes, tome I, Royaume du Maroc, 2010.

Rapport de l’Association internationale de navigation A.I.P.C.N. Cadre de gestion de l’environnement à l’intention des ports et des activités associées, Bruxelles, 2001.

Rapport de l’information spatiale, Environnements littoraux et aménagement durable, 2ème conférence régionale Coastal zone management, Marrakech, 2 et 3 décembre 2003.
Colloque international, Des littoraux et des hommes : question d’aménagement et de protection, Oujda, 21 au 23 novembre 2006.
La lettre du développement durable, Bulletin d’information du Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Eau et de l’Environnement. N° 27, juin 2007. p. 2.


Textes législatifs

La loi n° 11-03 relative à la protection et à la mise en valeur de l’environnement
Dahir n° 1-93-103 du 25 rabii I 1421 ( 28 juin 2000) portant publication de la convention internationale portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures faite à Bruxelles le 18 décembre 1971 , du protocole de ladite convention fait à Londres le 19 novembre 1976 , du protocole de 1984 modifiant la convention internationale de 1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures faits à Londres le 25 mai 1984 et du protocole de 1984 modifiant la convention internationale de 1971 portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures fait à Londres le 25 mai 1984 ( B.O. n° 4832 du 21 septembre 2000 ).
Dahir n° 1-05-146 du 23 novembre 2005 portant promulgation de la loi n° 15-02 relative aux ports et à la création de l’Agence nationale des ports et de la Société d’exploitation des ports.

Dahir du 18 septembre 1954 modifiant le dahir du 5 Janvier 1916 portant réorganisation de la police sanitaire maritime.

Dahir du 16 octobre 1947 relatif aux mesures de sécurité à appliquer dans les ports maritimes en ce qui concerne les matières dangereuses autres que les hydrocarbures et les combustibles liquides. B.O du 28 novembre 1947 p, 1214.


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الجمعة 21 سبتمبر 2012

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