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Cour administrative d'appel FR "2024": Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Services économiques - Services fiscaux.

     

France | Cour administrative d'appel de LYON,
5ème chambre,
04
avril
2024,

21LY02413



Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 1 973 000 euros en réparation des préjudices qui lui ont été causés par l'action de l'administration fiscale.

Par un jugement n° 1909210 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 juillet 2021 et le 19 avril 2023, Mme C..., épouse B..., représentée par Me Jars, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1909210 du tribunal administratif de Lyon du 11 mai 2021 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- l'administration, qui avait souscrit une obligation de paiement en signant les actes d'acceptation de cession de créances et en établissant des certificats de créances, a engagé sa responsabilité en refusant par la suite de régler lesdites créances à la banque Delubac ; cette dernière a cessé d'accorder tout encours bancaire à la société Project'One qui s'est retrouvée privée de trésorerie disponible et dans l'impossibilité de poursuivre son activité. Cette situation a précipité sa liquidation judiciaire, alors que sa situation financière n'était pas compromise ;

- elle justifie d'un préjudice matériel à hauteur de 1 923 000 euros et justifie également de son préjudice moral ;

- si le préjudice qu'elle a subi ne devait pas être regardé comme ne résultant pas intégralement de la faute de l'administration fiscale, son montant devra être évalué en proportion dans laquelle cette faute a concouru au prononcé de la liquidation judiciaire.

Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requérante ne démontre pas en quoi le refus de l'administration de verser à la banque Delubac les créances de crédits impôt recherche aurait entraîné la remise en cause de l'encours bancaire dont elle bénéficiait ;

- c'est la situation financière de la société Project'One depuis plusieurs années qui est à l'origine de sa liquidation judiciaire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Une ordonnance du 20 mars 2023 a fixé la clôture de l'instruction au 20 avril 2024.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, présidente,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- les observations de Me Jars, représentant Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Project'One dont Mme B... est la gérante, a notamment pour activité la prestation de conseil en informatique. Elle a initié un projet de création d'un logiciel destiné aux entreprises industrielles, intitulé " Odace " que l'administration a reconnu comme éligible au crédit d'impôt recherche en application de l'article 44 sexies 0 A du code général des impôts. Le 3 décembre 2012 ainsi que les 8 janvier et 27 février 2013, la société Project'One a cédé à la banque Delubac ses créances relatives au crédit d'impôt recherche, en application des dispositions de l'article L. 323-23 du code monétaire et financier. L'administration ayant refusé le paiement de ces créances qu'elle avait pourtant accepté sans réserve, la banque Delubac a saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 29 mai 2018 a condamné l'Etat à lui verser les sommes correspondant aux créances litigieuses. Estimant que le refus fautif de l'administration de régler les créances détenues par la banque Delubac a entraîné la liquidation judiciaire de la société Project'One prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 septembre 2013, Mme B... a demandé l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de cette liquidation. Après le refus opposé par l'administration à sa demande d'indemnisation, Mme B... a saisi le tribunal administratif de Lyon qui, par un jugement du 11 mai 2021, a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme totale de 1 973 000 euros en réparation des préjudices qui lui auraient été causés par l'action de l'administration fiscale. Mme B... relève appel de ce jugement.

2. Une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice. Un tel préjudice peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, du préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable ou son dirigeant justifie. Le préjudice invoqué doit trouver sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration. Enfin, l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur, comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité.

3. Il résulte de l'instruction et notamment de l'examen du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 septembre 2013 prononçant la résolution du plan de redressement de la société Project'One adopté le 29 mai 2012 ainsi que l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à son encontre, que le tribunal s'est déterminé aux motifs que la société qui était redevable envers l'URSSAF du Rhône d'une somme globale de 160 897 euros représentant le montant des cotisations et majorations de retard pour les périodes du 9 juin 2011 au 30 juin 2013 n'a pu procéder au règlement de sa créance en dépit des poursuites exercées à son encontre, que la société Project'One ne pouvait faire face à l'échéance du plan de redressement exigible depuis mai 2013, qu'il a été constaté un nouveau passif postérieur à l'arrêté du plan et que l'état de cessation de paiement était avéré dès lors que la société n'était pas en mesure de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

4. Pour établir que cette situation résulte du refus de l'administration de procéder au paiement des créances de crédit d'impôt recherche cédées par la société Project'One à la banque Delubac, la requérante soutient que la société avait résorbé ses difficultés financières au cours de l'exercice 2012 et présentait une activité nettement bénéficiaire lui permettant de respecter le plan de redressement. Elle ajoute qu'alors que la société Project'One bénéficiait de cessions de créances de la part de la banque Delubac lui permettant de bénéficier d'avances de trésorerie, la banque a mis fin à ces cessions en l'absence de remboursement par le service des impôts des entreprises de Bron des cessions de créances de crédit d'impôt recherche arrivées à échéance, pour la première le 15 mars 2013 et les suivantes, les 30 juillet 2013 et qu'ainsi la société Project'One s'est trouvée privée d'une trésorerie disponible du fait de l'arrêt de ces cessions des créances litigieuses, et n'a pu de ce fait poursuivre son activité entraînant ainsi sa liquidation judiciaire.

5. Alors que, ainsi qu'il a été dit précédemment, pour prononcer l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Project'One, le jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 septembre 2013 a relevé que cette société s'était trouvée dans l'incapacité de régler le solde de sa dette envers l'URSSAF, n'ayant pu honorer l'échéance du mois de mai 2013, la requérante fait valoir que la société Project'One a pu régler, le 17 janvier 2013, une première échéance de cette dette à hauteur de 91 275,94 euros et que son niveau d'activité et de facturation aurait pu lui permettre d'en régler le solde. Toutefois, en se bornant à alléguer que la société Project'One aurait bénéficié d'un report pour régler l'échéance fixée au mois de mai 2013 et qu'elle a facturé au mois de juillet 2013 une somme de 945 678 euros, elle n'établit pas qu'elle était dans la capacité de régler le solde de sa dette, ni en tout état de cause, que contrairement à ce qu'a constaté le tribunal de commerce, elle n'avait pas généré un nouveau passif, postérieurement à l'arrêté du plan de redressement, auquel elle était dans l'impossibilité de faire face, compte tenu de son actif disponible. Sur ce dernier point, si la requérante se prévaut de ce que le montant des factures émises par la société Project'One, entre le 1er janvier et le 30 juin 2013 est conforme aux prévisions de chiffres d'affaires estimées à la somme de 1 004 600 euros pour les années 2012 et 2013, par le projet de plan de redressement, adopté le 29 mai 2012, il résulte de l'instruction que cet objectif devait être atteint sur la période de mai 2012 à janvier 2013, au cours de laquelle le montant des facturations émises par la société ne s'est élevé qu'à la somme de 532 727 euros, ainsi que le constate le ministre sans être sérieusement contredit. Enfin, la requérante se prévaut d'une ordonnance du juge des référés du 23 février 2023 du tribunal judiciaire de Privas, qu'elle avait saisi aux fins de se voir communiquer par la banque Delubac l'ensemble des documents nécessaires à la résolution du litige engagé à l'encontre de l'Etat devant la cour administrative d'appel, qui constate qu'il n'existe pas d'encours bancaires accordés à la société Project'One postérieurement au 7 juin 2013 et ce, jusqu'à sa liquidation judiciaire ouverte le 10 septembre 2013. Elle en déduit que la banque Delubac n'a pas accordé à la société Project'One, entre la date d'échéance du paiement des crédits d'impôt recherche, au 30 juin 2013 pour la première créance et au 30 juillet suivant pour les deux autres, et sa liquidation judiciaire, des encours bancaires qui lui auraient permis de poursuivre son activité. Il ressort toutefois des termes de l'ordonnance du 23 février 2023, que la banque Delubac a enregistré une cession de créance, le 7 juin 2013, soit contrairement à ce que soutient la requérante, à une date postérieure à l'échéance de la première créance en litige, fixée au 15 mars 2013 et non au 30 juin 2013. Ainsi, la requérante ne peut être regardée comme établissant que les refus de la banque de permettre à la société Project'One de bénéficier des encours autorisés ou de céder de nouvelles créances, seraient intervenus dès le refus de l'administration fiscale de procéder au règlement de ces créances, ni, en tout état de cause, avant la date du jugement du tribunal de commerce de Lyon du 10 septembre 2013. Dans ces conditions, la requérante n'établit pas plus en appel qu'en première instance que le refus de l'administration de procéder au paiement des créances de crédit d'impôt recherche cédées par la société Project'One à la banque Delubac a été en tout ou partie directement à l'origine des préjudices qu'elle a personnellement subis.

6. Il résulte de ce qui précède, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées par voie de conséquence. En l'absence de dépens, la demande présentée sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code ne peut qu'être également rejetée.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,

Mme Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.

La rapporteure,

P. DècheL'assesseure la plus ancienne,

A.-G. Mauclair

La greffière,

C. Driguzzi

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02413



السبت 13 أبريل 2024
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