Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2301755 du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, et de le munir dans l'attente d'un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa demande au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que les dispositions de l'article L. 421-1 du code, qu'il n'avait pas invoquées, sont inapplicables aux ressortissants marocains, seules les dispositions de l'article 3 de l'accord bilatéral étant applicables à ceux désireux d'exercer une activité salariée en France ;
- elle est entachée d'une deuxième erreur de droit, en ce que la préfète a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 435-1 du code au motif qu'il ne peut justifier d'une entrée sur le territoire sous couvert d'un visa de long séjour, alors que cette condition n'est pas applicable à une admission exceptionnelle au séjour ;
- elle est entachée d'une troisième erreur de droit en ce que le préfet n'a examiné ni sa qualification, ni son expérience professionnelle, alors qu'il bénéficie d'une expérience de cinq ans dans la restauration, secteur qui connaît des difficultés de recrutement ;
- la condition prévue au 4° de l'article R. 5221-20 du code du travail, relative à une rémunération minimale, n'est pas opposable dans le cadre de l'examen d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 ;
- eu égard à ses neuf années de présence ininterrompue, à son mariage en France en avril 2017, à ses liens sur le territoire, développés notamment dans le cadre associatif et professionnel, et au fait que son travail lui procure des revenus suffisants pour ne pas être une charge, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- pour les mêmes motifs, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code ; si le préfet a retenu qu'il avait été interpellé en mai 2019 pour des faits de recel de vol, ceux-ci n'ont eu aucune suite, il n'a pas été condamné et conteste leur réalité ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande de M. B... a été examinée au regard de l'article L. 423-23 du code, comme en atteste le contenu de l'arrêté, et même si ces dispositions ne sont pas explicitement visées ;
- les stipulations de l'accord bilatéral sur le titre de séjour " salarié " ne font pas obstacle à la possibilité de recourir au pouvoir discrétionnaire ; la demande de M. B... n'a pas été présentée sur le fondement de l'accord, et a donc été étudiée au regard de l'article L. 421-1 ; en tout état de cause, l'intéressé ne remplit pas les conditions d'ancienneté dans l'emploi et de ressources suffisantes pour obtenir un titre de 10 ans ;
- la décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code, dès lors que M. B... ne démontre pas avoir été présent sur le territoire avant le 20 décembre 2016, qu'il s'est maintenu à plusieurs reprises en situation irrégulière pour une durée totale de 5 ans et demi et que le temps restant, soit deux ans et un mois, n'est justifié que par l'instruction de ses demandes de titre ; le fait de ne pas avoir exécuté les trois mesures d'éloignement et de ne pas se rendre à la convocation à l'aéroport démontre son défaut d'intégration ; son épouse, de nationalité marocaine, se maintient irrégulièrement sur le territoire ; l'intéressé ne démontre pas disposer d'autres attaches en France, alors que sa famille réside au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans ;
- ni sa situation familiale, ni sa situation professionnelle ne sont de nature à justifier une régularisation exceptionnelle ; l'emploi qu'il occupe illégalement et pour lequel il n'a pas de qualification est précaire puisqu'il s'agit d'un temps partiel qui ne lui permet pas de percevoir le montant du SMIC ; la mention de l'absence de visa de long séjour ne concerne pas l'examen d'une éventuelle régularisation exceptionnelle, mais seulement l'examen de la demande dans le cadre de l'article L. 421-1 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- et les observations de Me Chevallier-Chiron, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1989, est entré en France le 22 juillet 2014 selon ses déclarations. Il a fait l'objet le 3 août 2017 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, décisions dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux le 15 novembre 2017. A la suite de son interpellation pour recel de vol de téléphone portable, le 15 mai 2019, le préfet de la Gironde a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour pour une durée de deux ans. Le 19 octobre 2020, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de sa vie privée et familiale et de son activité professionnelle. Par un arrêté du 21 février 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Saisi par l'intéressé, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions, par un jugement du 21 juin 2023 dont M. B... relève appel.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "
3. D'une part, il ressort des énonciations de l'arrêté en litige que, pour refuser de faire droit à la demande de M. B... de délivrance d'un titre de séjour, la préfète de la Gironde a notamment relevé qu'il ne démontrait aucunement l'intensité et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France, dès lors que son épouse, de nationalité marocaine, n'est pas autorisée à séjourner en France et qu'il n'est pas isolé au Maroc où il conserve des attaches familiales et où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Elle a ajouté qu'il n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit. Au regard de ces éléments, et ainsi que le soutient l'autorité préfectorale en défense, la demande de M. B... a été examinée au regard de sa vie privée et familiale en France, et la circonstance que l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne soit pas précisément mentionné ne révèle pas un défaut d'examen. Il en va de même pour l'appréciation des conditions d'emploi de l'intéressé, le préfet n'étant pas tenu de détailler les raisons pour lesquelles il a estimé que la demande d'autorisation de travail en qualité d'employé polyvalent de la SARL Eldorado n'était pas constitutive d'un motif exceptionnel de nature à justifier sa régularisation.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, M. B... comptait un peu moins de huit ans de présence sur le territoire, cette ancienneté s'expliquant par l'absence d'exécution volontaire des deux mesures d'éloignement prise à son encontre le 3 août 2017 et le 15 mai 2019, ainsi que par sa non-présentation à l'embarquement pour un vol à destination du Maroc, le 7 juin 2019. Il s'est marié en France, le 22 avril 2017, avec une compatriote, titulaire d'un titre de séjour italien " longue durée UE " pour motifs familiaux qui ne lui permet pas de résider en France, et dont la demande de titre de séjour a été rejetée par le préfet de la Gironde le 21 juillet 2015. A l'exception d'une attestation de la dirigeante d'une association qui mentionne son engagement en tant que bénévole entre 2015 et 2019 et d'une attestation de son employeur qui l'a recruté en août 2019 pour un temps partiel en tant qu'employé polyvalent dans la restauration rapide, les pièces produites, constituées de documents relatifs au logement, à la couverture médicale ou à des frais de santé ne permettent pas d'établir l'existence de liens privés ou familiaux en France, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc où résident ses parents et ses frères et sœurs et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Elles n'établissent pas davantage une insertion particulière dans la société française, d'autant que M. B... a été interpellé pour recel de vol de téléphone portable le 15 mai 2019. Il est connu défavorablement des services de police et la circonstance que ces faits n'auraient pas donné lieu à une condamnation est sans incidence sur l'appréciation de la légalité de l'arrêté. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts que poursuit cette décision, et l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
6. Il résulte des stipulations de l'accord franco-marocain citées au point 3 que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains.
7. Il n'est pas contesté que M. B... ne dispose pas du visa de long séjour, exigé par l'article L. 412-1 précité, pour obtenir un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par suite, la circonstance que la préfète de la Gironde a opposé cette condition en mentionnant l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants marocains, doit être regardée comme étant sans incidence sur la légalité de l'arrêté, qui est d'ailleurs pris au visa de l'accord franco-marocain. En outre, si M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France pour demander l'application du deuxième alinéa de l'article 3 de l'accord, ces stipulations ne lui sont pas applicables dès lors qu'il n'est pas au nombre des ressortissants visés au premier alinéa, soit ceux qui ont déjà bénéficié d'une carte de séjour temporaire.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
9. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
10. D'une part, la circonstance que la préfète ait mentionné l'absence de visa de long séjour alors que cette condition n'est pas opposable dans le cadre d'une régularisation pour motif exceptionnel est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il ressort de l'ensemble des considérations prises en compte qu'elle aurait pris la même décision si elle n'avait pas retenu ce motif.
11. D'autre part, au vu des éléments factuels rappelés au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... justifierait de circonstances humanitaires devant conduire à sa régularisation exceptionnelle pour des motifs tirés de sa vie privée et familiale.
12. Enfin, M. B... travaillait, à la date de l'arrêté en litige, à hauteur de 86 heures par mois en tant qu'employé polyvalent dans la restauration rapide pour la société Eldorado, devenue le 30 juin 2021 MKW services, sise au 234 cours de la Marne à Bordeaux. Dans le cadre de son pouvoir de régularisation, la préfète pouvait, sans entacher son arrêté d'une erreur de droit, tenir compte, parmi d'autres éléments, du fait que les services de la main d'œuvre étrangère avaient émis un avis défavorable au motif que la rémunération perçue était inférieure au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance exigé par l'article R. 5221-20 du code du travail pour la délivrance d'une autorisation de travail à un ressortissant étranger. Alors même que M. B... exerçait cette activité depuis deux ans et demi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'admettre des motifs exceptionnels qui auraient justifié une régularisation exceptionnelle au titre du travail, d'autant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le secteur de la restauration rapide connaîtrait, comme cela est soutenu, des difficultés de recrutement.
13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
14. Au vu des éléments énoncés au point 4, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02796
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 21 février 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2301755 du 21 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 21 juin 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 21 février 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt, et de le munir dans l'attente d'un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'un défaut d'examen de sa demande au regard de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que les dispositions de l'article L. 421-1 du code, qu'il n'avait pas invoquées, sont inapplicables aux ressortissants marocains, seules les dispositions de l'article 3 de l'accord bilatéral étant applicables à ceux désireux d'exercer une activité salariée en France ;
- elle est entachée d'une deuxième erreur de droit, en ce que la préfète a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié sur le fondement de l'article L. 435-1 du code au motif qu'il ne peut justifier d'une entrée sur le territoire sous couvert d'un visa de long séjour, alors que cette condition n'est pas applicable à une admission exceptionnelle au séjour ;
- elle est entachée d'une troisième erreur de droit en ce que le préfet n'a examiné ni sa qualification, ni son expérience professionnelle, alors qu'il bénéficie d'une expérience de cinq ans dans la restauration, secteur qui connaît des difficultés de recrutement ;
- la condition prévue au 4° de l'article R. 5221-20 du code du travail, relative à une rémunération minimale, n'est pas opposable dans le cadre de l'examen d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 ;
- eu égard à ses neuf années de présence ininterrompue, à son mariage en France en avril 2017, à ses liens sur le territoire, développés notamment dans le cadre associatif et professionnel, et au fait que son travail lui procure des revenus suffisants pour ne pas être une charge, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- pour les mêmes motifs, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code ; si le préfet a retenu qu'il avait été interpellé en mai 2019 pour des faits de recel de vol, ceux-ci n'ont eu aucune suite, il n'a pas été condamné et conteste leur réalité ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 janvier 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la demande de M. B... a été examinée au regard de l'article L. 423-23 du code, comme en atteste le contenu de l'arrêté, et même si ces dispositions ne sont pas explicitement visées ;
- les stipulations de l'accord bilatéral sur le titre de séjour " salarié " ne font pas obstacle à la possibilité de recourir au pouvoir discrétionnaire ; la demande de M. B... n'a pas été présentée sur le fondement de l'accord, et a donc été étudiée au regard de l'article L. 421-1 ; en tout état de cause, l'intéressé ne remplit pas les conditions d'ancienneté dans l'emploi et de ressources suffisantes pour obtenir un titre de 10 ans ;
- la décision ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code, dès lors que M. B... ne démontre pas avoir été présent sur le territoire avant le 20 décembre 2016, qu'il s'est maintenu à plusieurs reprises en situation irrégulière pour une durée totale de 5 ans et demi et que le temps restant, soit deux ans et un mois, n'est justifié que par l'instruction de ses demandes de titre ; le fait de ne pas avoir exécuté les trois mesures d'éloignement et de ne pas se rendre à la convocation à l'aéroport démontre son défaut d'intégration ; son épouse, de nationalité marocaine, se maintient irrégulièrement sur le territoire ; l'intéressé ne démontre pas disposer d'autres attaches en France, alors que sa famille réside au Maroc où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans ;
- ni sa situation familiale, ni sa situation professionnelle ne sont de nature à justifier une régularisation exceptionnelle ; l'emploi qu'il occupe illégalement et pour lequel il n'a pas de qualification est précaire puisqu'il s'agit d'un temps partiel qui ne lui permet pas de percevoir le montant du SMIC ; la mention de l'absence de visa de long séjour ne concerne pas l'examen d'une éventuelle régularisation exceptionnelle, mais seulement l'examen de la demande dans le cadre de l'article L. 421-1 ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne et n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Cotte,
- et les observations de Me Chevallier-Chiron, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant marocain né le 1er janvier 1989, est entré en France le 22 juillet 2014 selon ses déclarations. Il a fait l'objet le 3 août 2017 d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, décisions dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Bordeaux le 15 novembre 2017. A la suite de son interpellation pour recel de vol de téléphone portable, le 15 mai 2019, le préfet de la Gironde a pris à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, assortie d'une interdiction de retour pour une durée de deux ans. Le 19 octobre 2020, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de sa vie privée et familiale et de son activité professionnelle. Par un arrêté du 21 février 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Saisi par l'intéressé, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions, par un jugement du 21 juin 2023 dont M. B... relève appel.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. "
3. D'une part, il ressort des énonciations de l'arrêté en litige que, pour refuser de faire droit à la demande de M. B... de délivrance d'un titre de séjour, la préfète de la Gironde a notamment relevé qu'il ne démontrait aucunement l'intensité et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France, dès lors que son épouse, de nationalité marocaine, n'est pas autorisée à séjourner en France et qu'il n'est pas isolé au Maroc où il conserve des attaches familiales et où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Elle a ajouté qu'il n'entrait dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour de plein droit. Au regard de ces éléments, et ainsi que le soutient l'autorité préfectorale en défense, la demande de M. B... a été examinée au regard de sa vie privée et familiale en France, et la circonstance que l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne soit pas précisément mentionné ne révèle pas un défaut d'examen. Il en va de même pour l'appréciation des conditions d'emploi de l'intéressé, le préfet n'étant pas tenu de détailler les raisons pour lesquelles il a estimé que la demande d'autorisation de travail en qualité d'employé polyvalent de la SARL Eldorado n'était pas constitutive d'un motif exceptionnel de nature à justifier sa régularisation.
4. D'autre part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, M. B... comptait un peu moins de huit ans de présence sur le territoire, cette ancienneté s'expliquant par l'absence d'exécution volontaire des deux mesures d'éloignement prise à son encontre le 3 août 2017 et le 15 mai 2019, ainsi que par sa non-présentation à l'embarquement pour un vol à destination du Maroc, le 7 juin 2019. Il s'est marié en France, le 22 avril 2017, avec une compatriote, titulaire d'un titre de séjour italien " longue durée UE " pour motifs familiaux qui ne lui permet pas de résider en France, et dont la demande de titre de séjour a été rejetée par le préfet de la Gironde le 21 juillet 2015. A l'exception d'une attestation de la dirigeante d'une association qui mentionne son engagement en tant que bénévole entre 2015 et 2019 et d'une attestation de son employeur qui l'a recruté en août 2019 pour un temps partiel en tant qu'employé polyvalent dans la restauration rapide, les pièces produites, constituées de documents relatifs au logement, à la couverture médicale ou à des frais de santé ne permettent pas d'établir l'existence de liens privés ou familiaux en France, alors qu'il n'est pas dépourvu d'attaches au Maroc où résident ses parents et ses frères et sœurs et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Elles n'établissent pas davantage une insertion particulière dans la société française, d'autant que M. B... a été interpellé pour recel de vol de téléphone portable le 15 mai 2019. Il est connu défavorablement des services de police et la circonstance que ces faits n'auraient pas donné lieu à une condamnation est sans incidence sur l'appréciation de la légalité de l'arrêté. Dans ces conditions, en refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, la préfète de la Gironde n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts que poursuit cette décision, et l'arrêté ne méconnaît pas les dispositions précitées de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour continu en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent pourront obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...) ". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
6. Il résulte des stipulations de l'accord franco-marocain citées au point 3 que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains.
7. Il n'est pas contesté que M. B... ne dispose pas du visa de long séjour, exigé par l'article L. 412-1 précité, pour obtenir un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-marocain. Par suite, la circonstance que la préfète de la Gironde a opposé cette condition en mentionnant l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, inapplicable aux ressortissants marocains, doit être regardée comme étant sans incidence sur la légalité de l'arrêté, qui est d'ailleurs pris au visa de l'accord franco-marocain. En outre, si M. B... se prévaut de la durée de son séjour en France pour demander l'application du deuxième alinéa de l'article 3 de l'accord, ces stipulations ne lui sont pas applicables dès lors qu'il n'est pas au nombre des ressortissants visés au premier alinéa, soit ceux qui ont déjà bénéficié d'une carte de séjour temporaire.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".
9. L'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national. Toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation de la situation d'un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
10. D'une part, la circonstance que la préfète ait mentionné l'absence de visa de long séjour alors que cette condition n'est pas opposable dans le cadre d'une régularisation pour motif exceptionnel est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors qu'il ressort de l'ensemble des considérations prises en compte qu'elle aurait pris la même décision si elle n'avait pas retenu ce motif.
11. D'autre part, au vu des éléments factuels rappelés au point 4, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... justifierait de circonstances humanitaires devant conduire à sa régularisation exceptionnelle pour des motifs tirés de sa vie privée et familiale.
12. Enfin, M. B... travaillait, à la date de l'arrêté en litige, à hauteur de 86 heures par mois en tant qu'employé polyvalent dans la restauration rapide pour la société Eldorado, devenue le 30 juin 2021 MKW services, sise au 234 cours de la Marne à Bordeaux. Dans le cadre de son pouvoir de régularisation, la préfète pouvait, sans entacher son arrêté d'une erreur de droit, tenir compte, parmi d'autres éléments, du fait que les services de la main d'œuvre étrangère avaient émis un avis défavorable au motif que la rémunération perçue était inférieure au montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance exigé par l'article R. 5221-20 du code du travail pour la délivrance d'une autorisation de travail à un ressortissant étranger. Alors même que M. B... exerçait cette activité depuis deux ans et demi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète de la Gironde aurait entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'admettre des motifs exceptionnels qui auraient justifié une régularisation exceptionnelle au titre du travail, d'autant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le secteur de la restauration rapide connaîtrait, comme cela est soutenu, des difficultés de recrutement.
13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
14. Au vu des éléments énoncés au point 4, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts qu'elle poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... et son conseil demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Olivier Cotte, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 avril 2024.
Le rapporteur,
Olivier Cotte
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02796