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CESE : POUR UNE SOCIÉTÉ COHÉSIVE EXEMPTE DE MENDICITÉ

     

Le présent avis du CESE, élaboré dans le cadre d’une auto-saisine, intervient dans un contexte marqué par l’accroissement et la prégnance du phénomène de mendicité observée dans les rues et espaces publics au Maroc. Des pistes d’action sont proposées dans le sens de contenir, voire de résorber ce phénomène en veillant, d’une part, à assurer une conciliation entre la mise en œuvre des principes de la Constitution en termes, des droits économiques et sociaux des personnes pratiquant la mendicité et, d’autre part, le respect de l’ordre et la sécurité publics. Cet avis, a été adopté à la majorité par l’Assemblée Générale du Conseil, tenue à Casablanca, le 26 octobre 2023.




avis_mendicite_vf_swi.pdf Avis-mendicite-VF-swi.pdf  (1.83 ميغا)
 
Synthèse

Selon la dernière enquête nationale traitant de ce sujet, datant de 2007, le nombre de personnes se livrant à la mendicité était estimé à environ 200.000. L’absence d’études et de données actualisées sur la mendicité dans notre pays constitue une contrainte majeure dans l’élaboration d’une action publique en capacité de lutter efficacement contre ce phénomène.

 

La mendicité représente un phénomène social d’une grande complexité, découlant de l’exposition des personnes à une multiplicité de facteurs de risque, liés aux parcours individuels, et plus largement aux environnements socio-économiques ou culturels. Ces facteurs, souvent interdépendants, rendent les personnes vulnérables à des degrés divers, expliquant ainsi l’hétérogénéité des profils des mendiant(e)s. Il y a lieu de citer notamment, la pauvreté, les difficultés d’accès au marché du travail, le veuvage, particulièrement des femmes, le divorce, l’abandon familial, le bas niveau d’éducation et de formation, le déclin de la société solidaire, l’état sanitaire (état de santé – physique et mentale, handicap), ainsi qu’une prédisposition culturelle des citoyens à faire preuve de charité.

Face au défi persistant de la mendicité, le dispositif national actuel de lutte contre la mendicité s’avère peu efficace.

 

En termes de prévention, les programmes sociaux de lutte contre la pauvreté et la précarité, vu leur nature fragmentée, leurs approches de ciblage et leurs modalités de mise en œuvre, ne parviennent pas à compenser de manière suffisante et pérenne, les effets néfastes de la pauvreté sur les populations les plus démunies, qui demeurent souvent hors de leur champ d’intervention. C’est notamment pour ces raisons et, faisant suite aux Orientations Royales, qu’a été initiée la réforme du système de protection sociale, en cours de déploiement.

 

En termes de prise en charge sociale, aussi bien les centres sociaux relevant de l’entraide nationale que le plan d’action national pour lutter contre l’exploitation des enfants à des fins de mendicité (lancé fin 2019) disposent de moyens humains et matériels qui restent, selon les acteurs auditionnés, très limités au regard de l’ampleur du phénomène.

 

Sur le plan des mesures répressives, l’incrimination de la mendicité et du vagabondage au niveau de la section V du Code pénal se révèle peu effective et en contradiction avec d’autres dispositions dudit Code ainsi qu’avec les normes internationales en vigueur.

 

Sur la base de ce diagnostic partagé, le CESE estime qu’une résorption efficace du phénomène de mendicité nécessite une mise en œuvre, cohérente et coordonnée, d’un ensemble de mesures, avec la double finalité de garantir le respect de la Constitution, notamment les droits économiques et sociaux des personnes pratiquant la mendicité, sans aucune forme de discrimination ni de stigmatisation, et d’assurer le maintien de l’ordre et la sécurité publics. Ces mesures sont structurées autour de quatre axes complémentaires :

 

 

Le premier axe concerne « l’éradication complète de l’implication des enfants dans la mendicité », en renforçant le soutien aux unités de protection de l’enfance (UPE) en termes de structuration, d’organisation, de moyens humains et matériels, ainsi que par le renforcement des mesures répressives à l’égard des exploiteurs et trafiquants d’enfants, qu’ils soient parents ou étrangers à l’enfant.
 

Le deuxième axe vise à « assurer la protection des personnes vulnérables contre l’exploitation à des fins mendicité », en réprimant sévèrement les actes délictuels et criminels dissimulés sous couvert de mendicité, conformément au Code pénal, particulièrement à l’égard des exploiteurs de femmes, de personnes âgées et de personnes en situation de handicap et en renforçant les politiques de protection et de soutien aux personnes en situation de handicap et âgées, ainsi que les mesures d’accompagnement et d’intégration socio-économique des populations migrantes.
Le troisième axe concerne « la réhabilitation et réinsertion des personnes en situation de mendicité », à travers la révision du dispositif juridique actuel, notamment en mettant fin à la pénalisation de la mendicité, tout en renforçant les sanctions pénales à l’encontre de l’exploitation des personnes à des fins de mendicité. Simultanément, il convient de proposer des alternatives viables à la mendicité, à travers le renforcement des politiques d’assistance sociale, le développement des activités génératrices de revenus et l’amélioration de la prise en charge des personnes atteintes de troubles psychiatriques.
 

Le quatrième axe a trait à « la prévention de la mendicité », en renforçant la résilience socio-économique des ménages, qui passe inéluctablement par la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales et spatiales et l’amélioration de l’accès aux soins, à l’éducation, à la formation et à l’emploi.
 

Cet avis, élaboré sur la base d’une approche participative avec l’ensemble des parties prenantes, est le résultat d’un large débat entre les différentes catégories qui composent le Conseil Il s’est enrichi également par les résultats et enseignements de la consultation citoyenne lancée à ce sujet. Le nombre d’interaction a atteint 65.440 dont 4780 répondants à la consultation lancées sur la plateforme digitale « Ouchariko » et 576 commentaires sur les réseaux sociaux. Les principaux résultats de la consultation font ressortir que :

89% des participant.e.s constatent « toujours » des actes de mendicité dans l’espace public ;
98% considèrent la mendicité comme un phénomène social grave et qu’elle « constitue une atteinte à la dignité des personnes » ;
67% des participant.e.s déclarent donner l’aumône occasionnellement, quand ils sont sollicités ;
Près d’un participant sur deux considèrent l’insuffisance du système de protection sociale et des politiques publiques sociales comme causes principales qui incitent des gens à pratiquer la mendicité et 32% mettent en cause la faiblesse de la cohésion sociale (rupture familiale, régression de la solidarité familiale, etc.) ;
69,5% des participants souhaitent que la mendicité soit strictement interdite.
CESE : POUR UNE SOCIÉTÉ COHÉSIVE EXEMPTE DE MENDICITÉ



السبت 4 ماي 2024
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