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La reprise des entreprises en difficulté, dans le cadre du plan de cession

     

Réalisé par: Ilhame MOUDKIR
Juriste



La reprise des entreprises en difficulté, dans le cadre du plan de cession

Introduction

            La défaillance d’entreprise apparait comme un événement particulier qui se situe à la croisée des chemins entre les champs d’analyse  économique, financier; et juridiques. Elle représente, en effet un véritable accident financier, dont l’origine peut être économique, financière ou sociales et dont les modes de traitement sont régis par le droit des entreprises en difficultés.

             Le droit des procédures collectives a plusieurs finalités mais ces finalités ne sont jamais exclusives les unes des autres. La matière  est devenue très complexe car on ne peut jamais donner totalement satisfaction à des finalités antinomiques (si l’entreprise est sauvegardée, c’est souvent au détriment des créanciers, ou le contraire).

             Ce droit est en perpétuelle évolution, l'objectif premier du législateur est la sauvegarde de l'emploi puis le remboursement des créanciers. Ainsi, ses dispositions ont pour objet de prévenir les difficultés des entreprises et, en cas d'échec, de favoriser leur redressement[1]. Enfin, en cas de situation irrémédiablement compromise pour le débiteur, qui n'est pas en mesure de payer tous ses créanciers, et dont l'activité n'est plus rentable, la liquidation judiciaire de l'entreprise peut être la solution envisagée par le tribunal.

            Lorsqu’une procédure de redressement judiciaire est ouverte à l’égard d’une entreprise, l’objectif prioritaire est le maintien de l’activité et de l’emploi. Pour ce faire, le législateur a prévu, notamment, une procédure de cession à des tiers dans le cadre d’un plan de redressement arrêté par le Tribunal. La loi prévoit que les tiers sont admis à soumettre à l’administrateur judiciaire désigné des offres tendant au maintien de l’activité de l’entreprise dès l’ouverture de la procédure.

            Il convient de garder à l’esprit qu’une procédure d’offre a l’administrateur judiciaire est de nature à lier le candidat repreneur dans la mesure où celui-ci ne peut modifier ou retirer son offre après de la date de dépôt du rapport de l’administrateur au Tribunal. Le candidat repreneur reste lié par son offre jusqu’à la décision par laquelle le Tribunal arrête le plan. Pour éviter l’usage abusif de la procédure de redressement judiciaire, le législateur avait limité la qualité des personnes habilités à présenter une offre. Sauf dérogation expresse du Tribunal.

             La reprise d’une entreprise dans le cadre d’un plan de redressement se distingue très nettement de la cession d’une unité de production dans le cadre d’une liquidation judiciaire, dans la mesure où le Tribunal a le pouvoir, dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire, d’ordonner le transfert des contrats indispensables à la poursuite de l’activité après avoir entendu ou convoqué les cocontractants. Ce pouvoir est aisément compréhensible. Alors que la cession d’unité de production dans le cadre d’une liquidation judiciaire est destinée à assurer la réalisation des actifs dans des conditions financières qui permettent de désintéresser, le mieux possible, les créanciers, la cession d’une entreprise est destinée à sauvegarder l’emploi et à maintenir l’activité.

            Le candidat repreneur doit analyser avec un soin tout particulier le transfert des contrats de travail.  Ainsi que l’ensemble des contrats de travail liés à l’activité de l’entreprise cédée sont transférés par l’effet de la loi, sans que les parties ne puissent s’y opposer.

            La reprise d’une entreprise en difficulté est risquée mais peut s’avérer payante. Ainsi elle est  perçue comme une reprise "à moindre coût», nécessite de mobiliser des fonds pour procéder à l’achat mais également à la restructuration économique et financière de l’entreprise. Les modalités de reprise de l’entreprise en difficultés évoluent au gré de sa dégradation économique, les solutions juridiques et financières s’adaptant ou anticipant l’évolution probable, crainte ou espérée de la cible.

             Le plan de cession de l’entreprise, fait l’objet des articles 603 à 618 du code de commerce. Il opère le transfert à un tiers de tout ou partie d’une entreprise, en état de cessation des paiements, en contre partie du paiement d’un prix, l’engagement de redresser l’entité cédée au sein de laquelle, se trouvent réunis, notamment, des moyens matériels et humains au service d’une ou plusieurs activités. Il constitue une institution propre à la procédure de redressement judiciaire pour deux raison fondamentales. D’une part, le cessionnaire ne constitue pas l’ayant cause à titre universel du cédant, dans la mesure où il acquiert des actifs de l’entreprise, sans être tenu de son passif. D’autre part, les engagements du repreneur ayant pour objet essentiel, le redressement de l’entreprise, et non le paiement du prix, l’opération ne peut s’analyser en une addition de vente-séparées ou juxtaposées relatives aux divers biens.

             L’étude du présent sujet incarne des intérêts tant pratiques que théorétique. En effet, la finalité essentielle d’un plan de cession consiste à organiser, non pas la disparition de l’entreprise, mais au contraire, la poursuite de son activité, sous l’autorité de nouvelles compétences. Autrement dit, si le débiteur n’est pas en mesure d’assurer la survie et le redressement de son entreprise, et qu’un tiers offre de l’acquérir, l’intérêt général, exige la mise en œuvre d’une opération de reprise, car l’échec des dirigeants en place, ne se traduit pas par la liquidation d’une entité fiable.

           La reprise présente, certes, plusieurs atouts à la pratiques des affaires, notamment des avantages de souplesse et de fluidité, et dont les effets se propagent aux repreneurs potentiels, dans la mesure où elle présente des avantages juridiques, mais aussi et surtout économique. Et pour cause, le plus souvent, le repreneur recourt à ce genre d’opération, dans une stratégie de croissance en terme de renforcement de sa taille sur le marché, d’accéder à de nouveaux secteurs d’activités,…Néanmoins, l’usage de la reprise souffre de plusieurs défis, dans la mesure où il demeure trop de cas dans lesquels le cessionnaire s’avers incapable de respecter ses engagements, et d’autres relevant des prix de cession décisoires.

Partie 1 : Texture et agencement  du plan de cession

            L’organisation du plan de cession est une étape qui mérite plus  d’attention et beaucoup de précision, raison pour laquelle,  il parait nécessaire de traiter en premier lieu le champ d’application de la cession (Chapitre1), ensuite, l’option du tribunal arrêtant le plan (Chapitre 2).

Chapitre 1 : la pratique de la cession

           Dans le cadre de ce chapitre on va mettre l’accent successivement sur l’objet  de la cession (Section 1), ainsi que Les personnes qui s’implique lors de l’opération, en l’occurrence, le cessionnaire et le cédant (Section 2).

Section 1 : L’objet de la cession 

              La reprise est susceptible de porter sur l’ensemble de l’entreprise, mais également sur des sous-ensembles ou des activités susceptibles d’une exploitation autonome. En d’autre terme, la cession peut être totale ou partielle ; en France, elle peut, en outre, être précédée d’une période de location gérance. L’article L.642-1 du Code de Commerce, à un mot près, reprend les termes de l’ancien article L.621-83, en présentant la cession d’entreprise comme ayant pour but (au lieu d’objectif) : « d’assurer le maintien d’activités susceptibles d’exploitation autonome, de tout ou partie des emplois qui y sont attachés, et d’apurer le passif. Elle peut être totale ou partielle ». Toutefois même partielle, elle est réputée portée sur un « ensemble d’éléments d’exploitation qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activité ».
               Dans l’esprit de la nouvelle Loi, cette cession est réputée intervenir dans le cadre procédural de la liquidation judiciaire, mais en pratique elle demeure un avatar du redressement judiciaire.
                                                                                                                 
Paragraphe 1 : Cession totale
               Le choix d’une cession totale implique qu’elle concerne l’intégralité des actifs de l’entreprise. Cela, ne soulève pas de difficulté particulières, mais appelle deux observations. En premier lieux, la cession doit comprendre tous les biens affectés à l’activité de l’entreprise, à l’exception de ceux appartenant aux associés solidairement responsables du passif, car les procédures relatives respectivement à la personne morale et à ses associés demeurent indépendantes. Ainsi le cessionnaire ne peut pas utiliser la voie du plan de cession, pour réaliser une opération purement  spéculative, fondée par exemple sur l’acquisition d’un porte feuille d’action.
Paragraphe2 : Cessions partielle
                Avant de définir la cession partielle, il convient de la distinguer des opérations relatives à des unités de productions composées de tout ou partie de l’actif, mobilier ou immobilier, d’une entreprise en liquidation judicaire……la cession partielle porte  sur un ensemble d’éléments d’exploitation, qui forment une ou plusieurs branches complètes et autonomes d’activité. La cours de cassation, précise que cette qualification n’est remise en cause (au profit d’une cession totale) que si les biens non compris dans la cession, sont indifférentes à la poursuite de l’activité.
Paragraphe  2 : La location gérante
                 En France, le cessionnaire peut bénéficier d’un contrat de location gérance, lui permettant d’étaler sur une durée de deux ans, le cout de la reprise ? En contre partie, et afin d’éviter le pillage de la clientèle et des fichiers de l’entité défaillante par le gérant ou encore la poursuite de l’exploitation par le débiteur en cession de paiement sous couvert d’un prête- nom, la loi contraint le repreneur à acquérir l’entreprise au terme de ce délai de deux ans, Au Maroc la technique de location gérance, n’est pas prévue dans le code de commerce.

Section 2 : Les parties à l’opération

       Les développements qui suivent, sont consacrés exclusivement au cessionnaire et au cédant.

Paragraphe 1 : Le cessionnaire 

               Le cessionnaire ; ou repreneur, est la personne dont l’offre a été retenue par le tribunal. Mais pour éviter que certaines opérations  de cession ne soient des spéculations, qui ont pour objectif, de vider le patrimoine de l’entreprise cédée, le code de commerce, a prévu un certain nombre de dispositions, pour contre carrer toute intention, qui va à l’encontre de l’esprit même de la loi sur le traitement des entreprises en difficulté, qu’est avant tout, le maintien de l’exploitation, et par conséquence, le maximum des contrats de travail.
              Ainsi, outre les obligations relatives du droit commun de cession des entreprises, à savoir l’inscription modificative au registre du commerce, etc …, vient une autre obligation, qu’est la garantie du paiement du prix de cession. A ce niveau l’article 610 du code de commerce, dispose, que tant que le prix de cession n’est pas intégralement payé, le cessionnaire ne peut, à l’exception des stocks, aliéner, donner en garantie, ou donner en location-gérance, les biens corporels ou incorporels qu’il a acquis. Plus encore, l’article 611, donne le pouvoir au tribunal, de rendre inaliénable, pour une durée qu’il fixe, tout ou partir  des actifs de l’entreprise.  Il est important que le cessionnaire soit tenu, d’après l’article 613, de rendre compte au syndic, de l’exécution du plan de cession, à l’issue de chaque exercice, suivant la cession.
              Par ailleurs, le législateur marocain, a imposé que le cessionnaire soit un tiers, ainsi, ni les dirigeants de la personne, ni leurs parents ou alliés, jusqu’au deuxième degré inclusivement ne sont admis, directement ou par personne interposée, à formuler une offre, (article 582). Dés lors, il appartient à la juridiction saisie, de vérifier la qualité de tiers du candidat à la reprise. La qualité de tiers ne suffit pas, encore faut-t-il qu’il soit digne de confiance. Cependant, il ne faut pas perdre de vue, la nécessité de la protection du cessionnaire, chose que le code de commerce a omis de prévoir. Faut-il alors revenir aux dispositions du droit commun de la vente, pour suppléer à cette lacune ?

Paragraphe 2 : Le cédant

                Le cédant joue un rôle purement passif dans les opérations de cession. Son consentement n’est pas nécessaire, c’est d’ailleurs le syndic, qui conclut les actes nécessaires à la réalisation de la cession. Il est en réalité  exproprié de son entreprise. Sa seule obligation consiste à ne pas s’opposer à la transmission.  Il n’est pas tenu de garantir le cessionnaire de l’éviction. Notamment, la cour de cassation a pu juger que les dirigeants de l’entreprise, ne pouvaient se voir imposer une obligation de non-concurrence. La solution est justifiée, car le débiteur n’est pas véritablement un vendeur net, nous semble-t-il, il doit simplement s’abstenir de commettre des actes de concurrence déloyale. En outre, le cédant, n’est pas astreint à la garantie des vices cachés, exclues pour toutes les ventes consenties par autorité de justice.

Chapitre 2 : la décision du tribunal arrêtant le plan 

                 Le plan de cession trouve sa sources, à la fois dans l’offre formulée par le repreneur, et dans la décision du juge qui l’arrête. De fait, dés le jugement d’ouverture, le syndic reçoit des offres de cession d’éventuel repreneurs, et les transmet au tribunal chargé d’opter en faveur de celle qui permet dans les meilleures conditions, d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’ensemble cédé et le paiement des créanciers[2]. Ainsi, le tribunal dispose d’un pouvoir d’appréciation pour choisir parmi les différentes propositions, celle dont le contenu répond  le mieux aux exigences posées par le législateur.

Section 1 : Offres de reprises 

                Aux termes de l’article 604 du code de commerce, les offres de reprises doivent remplir  deux conditions, sous peine d’irrecevabilité. En premier lieu, elles doivent être communiquées au syndic, sauf accord entre le chef d’entreprise, le syndic et les contrôleurs, un délai de quinze jours doit s’écouler entre la réception d’une offre par le syndic et l’audience au cours de laquelle ; le tribunal examine cette offre. Ensuite, elle doit présenter les éléments suivants : les prévisions d’activité et de financement, le prix de cession et de ces modalités de règlement, la date de réalisation de la cession, le niveau et les perspectives d’emploi justifiés par l’activité considéré, les garanties souscrites en vue d’assurer l’exécution de l’offre et enfin, les prévisions de vente d’actifs au cours des deux années suivant la cession.
               Concernant les stipulations de l’offre, il convient de s’interroger sur la possibilité  pour le preneur de subordonner sa pollicitation, à diverses conditions dont la réunion lui parait indispensable au redressement effectif de l’entreprise. La cour de cassation, admet la validité de telles clauses, qualifiées de conditions préalables à la réalisation du plan et non pas à l’acte de cession, Néanmoins, l’exigence du sérieux de l’offre, contraint le repreneur à en limiter le nombre, et accorder scrupuleusement leur contenu, à l’objectif de redressement de l’entreprise. Ainsi, toute reprise est forcement précédée par une négociation entre les différentes parties ces dernières sont le syndic et les partenaires potentiels. Cette négociation, doit porter sur les éléments essentiels de cette cession, à savoir, la détermination du prix, et l’évaluation de l’entreprise. Ces deux notions doivent être nettement distinguées.

Section 2 : l’option  du tribunal

              Si le juge opte pour un plan de cession, il lui appartient de vérifier le caractère sérieux de l’offre retenue. Dans cette perspective, il dispose de larges pouvoirs d’appréciation, afin de procéder à un examen global de l’offre retenue concrètement, les juridictions analysent la solidité financière de la proposition, son intérêt sur le plan social  maintient de l’emploi – et les perspectives économiques  du projet de reprise, notamment la situation du marché, l’importance des investissements, la compétence du personnel, et le degré de désintéressement des créanciers. Le plus souvent, c’est  le prix de cession qui conduit à nous interroger sur le caractère sérieux de l’offre de reprise. Plus précisément, la question fondamentale posée, à l’autorité judiciaire, concerne le point de savoir, si elle peut arrêter un plan de cession, alors que le prix proposé est insuffisant pour désintéresser de manière significative les créanciers voir même inferieure aux dividendes que procurerait la liquidation judiciaire.
              La cour de cassation est intervenue sur cette question, à travers un arrêt rendu par sa chambre commerciale, le 26 Juin 1990. Dans cette affaires, le pourvoi reprochait à l’arrêt de la cour d’appel, de Paris, d’avoir arrêté un plan de cession, prévoyant le maintient de l’ensemble du personnel, tout en constatant que le paiement de la majorité des créanciers, ne pourrait être assuré ; la haute juridiction, rejette le pourvoi. Dans un attendu de principe, elle indique qu’un plan de reprise, put être adopté, même s’il ne permet pas le paiement intégrale  des créanciers. Implicitement, elle considère que les juges de fond, disposent d’un pourvoir souverain pour apprécier, en fonction des circonstances propres à chaque espèce, si le prix proposé, désintéresse suffisamment les créanciers, afin de réaliser l’objectif de l’apurement de passif.

Partie 2 : les effets de la reprise de l’entreprise en difficulté

              Apres avoir arrêter le plan de cession, Le débiteurs retrouve l’ensemble de ses droits, l’administrateur conserve ses fonctions pour passer les actes de cession et le commissaire à l’exécution du plan pour distribuer le prix. Sous réserve de ses effets particuliers, le plan organise la transmission de l’entreprise ainsi  que le transfert des actifs et des contrats. Rappelons ici que la loi est restée muette sur la question du paiement du prix de cession, il appartient donc au plan de déterminer les modalités de règlement.

Chapitre 1 : Le transfert de la propriété

            Il s’agit ici  d’une analyse concentrée sur l’opportunité du  transfert du patrimoine de l’entreprise, ainsi que les différents contrats visés par l’opération.

Section 1 : Le transfert de propriété des actifs

            C’est le tribunal qui est compétent pour déterminer les biens transmis au repreneur  en vue d’établir les actes de cession.

Paragraphe 1 : Les biens cédés

                La fixation de la liste des biens  est de la compétence du juge qui doit présenter une énumération précise à partir des stipulations de l’offre de reprise retenue. Et ce afin d’éviter toute incertitude aux parties et à l’administrateur chargé de mettre en œuvre la cession. La cession ne peut porter que sur les biens appartenant au débiteur, peu importe qu’ils soient  ou non grevés de suretés réelles. Aussi, la cession peut inclure un bien sous réserve de propriété, si l’administrateur  en paie le prix, ou affecte les fonds provenant de sa vente au règlement de la créance du vendeur, dés l’issue de la revendication, faute de quoi il engage sa responsabilité personnelle.
                Dans cette perspective, l’article 603 du code de commerce précise qu’en l’absence de plan de continuation de l’entreprise, les biens non compris dans le plan de cession, sont vendus et les droits et actions de l’entreprise, sont exercés par le syndic, selon les modalités et les formes prévues pour la liquidation judiciaire. La répartition du prix de cession, obéit alors aux règles de la procédure d’ordre.

Paragraphe 2 : La réalisation  des actes de cession

                 Apres avoir arrêter  le plan par le tribunal, le syndic passe tout les actes nécessaires à la réalisation de la cession. Le contenu de ces actes, doit être conforme aux dispositions du plan, ce qui exclut, par exemple, la stipulation par le cessionnaire d’une clause résolutoire.
                 S’agissant de la date de transfert de la propriété, la jurisprudence hésite entre celle de l’arrêt du plan de cession et celle de la conclusion des actes de cession. La cour de cassation, a finalement opté en faveur de la seconde. Dans un arrêt du 26 Janvier 1993, la chambre commerciale de la cour de cassation, a considéré que s’il n’en est autrement décidé  par le jugement arrêtant le plan de cession, le transfert des biens, s’opère à la date de passation des actes. Ainsi, à compter de la date du jugement, les créanciers du cédant, ne disposent plus de droits sur les biens cédés, et le cessionnaire se trouve contraint d’exécuter ses obligations. Mais le transfert de propriété n’opère qu’à partir de la conclusion des actes de cession. Il apparait cohérent, que le repreneur  bénéficie d’un mandat, qui lui permet de gérer les biens transmis.
                L’article 608 du code de commerce, prévoit qu’il est conféré au syndic, la faculté de confier au cessionnaire, sous sa responsabilité, la gestion de l’entreprise cédée en attendant l’accomplissement des actes nécessaires à la réalisation de la cession. Ainsi, le cessionnaire, étant le nouvel employeur, il est en mesure de conclure des transactions avec les salariés.

Paragraphe 3 : Le régime juridique applicable aux actes de cession

           Forme des actes -En principe, le droit commun doit s’appliquer à la forme des actes. Le transfert des immeubles nécessite un acte authentique et le respect des formalités de publicité foncières. Pour les meubles corporels, il faut recourir à  la tradition ou la mise en possession. Le respect des règles prescrites s’impose pour les droits incorporels, par exemple la cession de créances ou des droits de propriété industrielle.

            Portée des actes -La question se pose de savoir si, dans le silence de la loi, il doit être tenu compte, pour chaque bien cédé, d’une éventuelle réglementation spéciale. Plus précisément, les cessions font-elles naitre les garanties des vices cachés et d’éviction? Est-ce nécessaire de purger les droits de préemption éventuellement applicables? Le cédant, dispose-t-il de la faculté de réclamer la rescision de la vente pour cause de lésion conformément au code civil ?
                L’application de certains réglementations spécifiques, risque de fragiliser le plan de cession, au point de le compromettre .Face à cette difficulté, il faut considérer en principe, que la réglementation spéciale, doit s’appliquer si aucun texte ne l’écarte, et si elle s’avers compatible avec le plan de cession. En revanche, ce principe connait des limites importantes. D’une part, la cession d’entreprise ne se réduit pas à une vente de fonds de commerce. L’application de l’article 81 et suivant du code de commerce marocain suppose sa conformité aux objectifs du plan de reprise. D’autre part, la cour de cassation, dans ses arrêts les plus récents, affirme progressivement l’autonomie du plan de cession, par rapport au droit commun de la vente[3] .

Section 2 : Le transfert  des contrats

                 Le tribunal ordonne la cession au repreneur des contrats nécessaires au maintien de l’activité de l’entreprise[4] . En revanche,  cette action risque de porter atteinte au principe de la liberté contractuelle, mais se justifie dans la mesure ou certains contrats (bail commercial, licence de brevet ou de marque, concession exclusive …) s’avèrent, sur le plan économique, des biens précieux, sans lesquels l’entité se trouve condamnée à la liquidation judiciaire. Cela veut dire que malgré le caractère personnel du lien contractuel, la convention utile à l’entreprise  la suit entre les mains du preneur, alors que les contrats non repris, prennent fin au jour de la décision de cession, le défaut de transmission entrainant leur caducité .Cela étant, au-delà des dispositions de l’article 606 du code de commerce. D’autres textes organisent spécialement le transfert des contrats de travail, des baux et des suretés.

Paragraphe 1 : La nature des contrats

                 Les contrats se différent, compte tenu de la diversité des conventions de location ou de fourniture de biens ou services intéressants  une multitude des activités de l’entreprise.  Dans cette perspective, il a été jugé, que les contrats d’exploitation de licence de brevets, peuvent être cédés[5]. Une solution identique s’impose pour la transmission des contrats de concession (CA Douai, 8 mars 1990, D.1990, IR 87), ou bien encore, les conventions conclues par des praticiens avec des cliniques (Cass.com.27 oct.998, RJDA 12 /1998, n° 1389.) En outre, le caractère personnel du contrat, ne constitue pas un obstacle à sa transmission[6]. De ce fait, la nécessité du contrat pour le maintien de l’activité constituant la seule condition à la cession forcée.
                Le code de commerce marocain  n’établit pas une distinction selon que le contrat, revêt ou non, le caractère personnel, l’intuiti persona n’interdit pas sa cession[7] sauf si le franchiseur se trouve en redressement judiciaire[8]. Dans ce cas, le maintien de l’élément essentiel du contrat de franchise s’avère impossible dans la mesure où le repreneur ne peut pas transmettre au franchisé le savoir-faire du franchiseur, nécessairement original. Cela étant, il appartient au juge d’apprécier l’exigence légale du caractère nécessaire à la convention en cause pour le maintien de l’activité. En pratique, les tribunaux se fondent, non seulement sur l’offre de reprise énumérant les contrats qui, selon l’avis du cessionnaire, paraissant indispensables au redressement de l’entreprise, mais également sur l’augmentation du cocontractant qui, selon son intérêt, démontre le caractère utile ou pas du contrat litigieux pour la poursuite de l’activité. Ainsi, il faut ajouter que le code de commerce marocain fait exclusion de certains contrats de sociétés et de groupement économique qui ne constituent pas des contrats de fourniture des biens et des services.

Paragraphe 2 : Le choix  du tribunal

                 Une entière liberté est au profit du tribunal pour choisir les contrats qui vont faire l’objet de cession, après vérification de leur utilité pour le redressement de l’entreprise et analyse des observations des contractants transmises par l’administrateur, ces derniers doivent être convoqués à l’audience par lettre recommandée avec avis de réception adressée par le greffier. Néanmoins, le défaut de convocation, n’est pas sanctionné par la nullité de la cession. La cession des contrats n’exige pas donc  le consentement des cocontractants concernés, leurs critiques ne pouvant porter que sur le fait que les conditions du contrat auraient été modifiées d’autorité. Cependant, le tribunal doit exprimer clairement et précisément ses choix. Aussi à défaut d’une mention expresse dans le plan, le contrat litigieux n’est pas cédé[9] .
 
Paragraphe 3 : Modalités d’exécution de la cession des contrats

                 L’article 606 du code de commerce, dispose que le jugement qui arrête le plan, emporte cession des contrats. La date de cession est celle du jugement arrêtant le plan.   S’agissant de la convention, il est possible d’avancer le caractère personnel du cautionnement, du fait que la caution, garantie le débiteur, et non le repreneur. Il y’aura donc extinction de la caution. Cependant, ce n’est pas la position du législateur, qui dispose dans son article 662, que la caution, ne profite pas seulement du plan de continuation.  Ainsi, L’article 617 prévoit la transmission des suretés, afin de conférer une situation avantageuse pour les créanciers, ayant consenti un crédit à l’entreprise pour lui permettre l’achat d’un bien. Alors que pour les contrats de travails, ils sont transmis de plein droit, d’autant plus que la cession a pour objet de maintenir l’emploi[10].
 
Chapitre 2 : La remise en cause du plan de cession

                 Afin d’assurer plus de protection, le cessionnaire rend compte au syndic de l’exécution  des dispositions prévues par le plan de cession à l’issue de chaque exercice suivant la cession. L’objectif du législateur est, certes, de remédier aux problèmes des repreneurs malhonnêtes, notamment par la possibilité de modification ou encore la résolution du plan.

Section 1 : La modification du plan 

                 Le cessionnaire confronté à des difficultés d’exécution du plan, dispose de la faculté de saisir le tribunal d’une demande tendant à la modification substantielle des objectifs et des moyens du plan. Les tribunaux accueillent ces demandes, lorsqu’elles s’appuient sur un motif sérieux, et prouvant que le redressement de l’entreprise demeure possible. Le juge, après avoir pris connaissance d’un rapport du commissaire à l’exécution du plan, sur la situation de l’entreprise, doit entendre ou appeler le repreneur, les représentants du personnel, et le cas échéant, les créanciers intéressés. L’appel du jugement est ouvert au cessionnaire et au ministère public. C’est la règle posée par l’article L.621-69 du code de commerce français. Mais le législateur français prévoit une exception à l’apurement du passif qui ne peut toutefois faire l’objet de modification.

Section 2 : La résolution du plan 

                   Selon les dispositions du code de commerce marocain, si le concessionnaire n’exécute pas ses engagements, le tribunal peut d’office, à la demande du syndic, ou d’un créancier, prononcer la résolution du plan. Ainsi, le législateur a institué une sanction de l’inexécution du plan particulièrement énergique, mais s’il a prévu des conditions d’application relativement souples, il demeure silencieux sur ses effets. En revanche, le prononcé de la résolution est subordonné à la réunion de conditions de procédure et de fond .dans cette perspective la résolution peu être largement demandée. Le tribunal peut se saisir d’office, ou bien prononcer la sanction en réponse à une sollicitation émanant du syndic, ou d’un créancier.
                De plus, la résolution dépend de l’inexécution par le cessionnaire de ses engagements. La formule légale apparait très souple. Elle autorise le jeu de la résolution en cas de méconnaissance, par le repreneur de ses engagements sociaux, et de manière générale, toutes ses obligations économiques. La résolution peut également sanctionner le défaut du paiement du prix de cession. Mais dans cette situation, le législateur, a prévu une alternative à la résolution. De ce fait, d’après l’article 614 du code de commerce marocain « le  tribunal peut d’office ou à la demande du syndic ou de tout intéressé, nommé un administrateur spécial, est justement de trouver  une solution pour éviter  la résolution du plan de cession. Il pourra s’agir d’obtenir une exécution forcée du plan, éventuellement sous astreinte. Mais la question qui demeure posée est selle de la rétroactivité ou non de la résolution du plan de cession.
                La loi ne donne ici aucune précision sur le sort des actes de cession, une fois la résolution prononcée. Faut-il admettre la disparition de ces actes ? Dans cette optique, la jurisprudence française refuse la rétroactivité. Dans un arrêt du 22 juin 1993, la chambre commerciale de la cour de cassation reprenant la solution retenue par les juges du fond, considère que «  le jugement, ayant prononcé la résolution du plan de cession, n’avait pas décidé la résolution de la vente du fonds de commerce, acte distinct du jugement arrêtant le plan ». En d’autre  terme, la haute juridiction soustrait les actes de cession- en l’espèce, la vente du fond du commerce  -aux effets de la résolution du plan, sous réserve d’une décision  contraire au tribunal.

 
Conclusion

                   La reprise d’une entreprise en difficulté peut constituer la bonne occasion pour une entreprise de faire du développement et de croissance externe en étendant  son activité, elle présente une pluralité d’avantages pertinentes, notamment les facilitées de restructuration d’ordre humain et financier, l’allégement du passif ancien et éligibilité de nombreuses aides (d’ordre fiscale …). Cependant, cette opération de reprise engendre aussi des inconvénients,  qui se manifestent par la perturbation des relations d’affaires en amont et en aval, des difficultés pour obtenir des crédits financiers, de même, l’entreprise est mise automatiquement sur le marché des entreprises en difficulté, d’ où une certaine concurrence.
             Ainsi, La pratique relève encore un autre défit concernant le respect du plan de cession, qui est difficilement assuré que se soit dans ses aspects financiers ou non financiers. La  relativité de la sanction et les hésitations de la jurisprudence, sur le fondement délictuel ou quasi-délictuel, de la responsabilité du cessionnaire, s’expliquent par les réticences qui marquent encore le droit positif marocain, à admettre la théorie de l’engagement unilatéral, ce qui est vraiment déplorable.

Plan

Partie 1 : Texture et agencement  du plan de cession
Chapitre 1 : L’identification de l’opération de cession  
Section 1 : L’objet de la cession 
Paragraphe 1 : Cession totale 
Paragraphe 2 : Cessions partielle 
Paragraphe 3 : La location gérante
Section 2 : Les parties à l’opération de cession
Paragraphe 1 : Le cessionnaire 
Paragraphe 2 : Le cédant
Chapitre 2 : La décision  du tribunal arrêtant le plan 
Section 1 : Offres de reprises 
Section 2 : l’option  du tribunal
Partie 2 : l’incidence de la reprise de l’entreprise en difficulté
Chapitre 1 : La reprise de l’entreprise en difficulté
Section 1 : Le transfert de propriété des actifs
Paragraphe 1 : La détermination des biens cédés
Paragraphe 2 : La réalisation  des actes de cession
Paragraphe 3 : Le régime juridique applicable aux actes de cession
Section 2 : Le transfert  des contrats
Paragraphe 1 : La nature des contrats
Paragraphe 2 : Pouvoir d’appréciation du juge 
Paragraphe 3 : Modalités d’exécution de la cession des contrats 
Chapitre 2 : La remise en cause du plan de cession
Section 1 : La modification du plan 
Section 2 : La résolution du plan 
Conclusion
 
  
Bibliographie
 
  • J.Bourgoin , M.Revah , M.Toptzian-Revah,F.Rouaix : Droit des sociétés et autres groupements , Droit de l’entreprise en difficulté ;Edition FOUCHER, 2006/2007.
 
  • Corinne S.A.HOUIN : Droit des entreprises en difficultés, édition Moutcherzstein, 2006.
 
  • M.JEANTIN  M. Le CONNU : Droit commercial, Entreprises en difficultés ; édition DALLOZ 2007.
 

·        Droit de l’entreprise, 11ème édit. LAMY, 2006-2007.

  • Nizar RAIHANI : Les difficultés de l’entreprise en droit marocain ; 2001-2002
  • EL FASSI  EL FIHRI Abdellah, M.DEA.ENT.3/3 : La cession de l’entreprise en difficulté en  droit  marocain, 2005    .
  • Etude  des entreprises en difficulté et leur redressement stratégique : cas des petites et moyennes entreprises au Maroc ; thèse pour l’obtention du doctorat en sciences économiques, sou la direction de Mohamed Bekkali. 2004/2005.

·        Loi n° 15-95 formant code de commerce marocain  (promulguée par Dahir n° 1-96-83 du 15 rabii 1417 (1 août 1996)).

 
Webographie
                                            
http://www.actufinance.fr/fusions-acquisitions/reprise-entreprise-difficulte.html
www.entreprisendifficulte.com/reprendre-une-entreprise
http://sos-net.eu.org/societes/reprise.htm
www.cession-entreprise.com/.../reprendre-une-entreprise-en-difficult...
 
 

[1] J.Bourgoin , M.Revah , M.Toptzian-Revah,F.Rouaix : Droit des sociétés et autres groupements , Droit de l’entreprise en difficulté ;Edition FOUCHER 2006/2007
[2] Revoir l’article 606 du code de commerce marocain.
[3] La haute juridiction a refusé d’appliquer une condition résolutoire, stipulée dans un acte de cession en raison de sa contradiction avec la décision d’homologation du plan .arrêt du 22 octobre 1996.
[4] Article 606 du code de commerce marocain.
[5] CA Poitiers, 20 avr . 1988, Gaz .Pal. 1989.1, somm.111
[6] C.SAINT-ALARY-HOUIN, op.cit, n° 958
[7] CA Versailles, 23 juin 1988, Gaz.pal.1989.1, somm.112
[8] CA paris, 15 Déc.1992, D.1993.54 ; CA Orléans, 14 sept.2000, D.2001.1017, note Y, Marot
[9] Cass.Com.16 oct .1990 ,1/1991,n°62 et 63 ;17déc.1996,D.1997.387,noteM.-H. Monsérié ).
[10] Revoir l’article 19 du code de travail marocain.



الخميس 20 أكتوبر 2016

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